Auteur/autrice : Stephane

ANQUETIL Nicole. Temporalité signifiante du sujet.

Une clinique de la temporalité ? 

Temporalité signifiante du sujet

ANQUETIL Nicole

 
Avec cet angle de vue qu’il s’agit d’un temps vécu par la conscience dans la structure du langage.
En réécoutant l’enregistrement de la soirée du 27 Novembre sur mon travail de lecture de Milan Kundera et de Pascal Bruckner j’ai été frappée par ce que cela a suscité comme commentaires et réflexions. En effet il est apparu alors que cette temporalité ne pouvant qu’être subjective, tout en étant liée à l’Histoire avec un grand H et à la petite histoire de l’être qui y participe soit en la subissant soit en y résistant, ne peut-être qu’un instant précis, indépendant du temps écoulé ou du temps à venir, mais un instant où tout bascule, comme le soulignait Michel Jeanvoine, du côté de l’inanité de pouvoir échapper à un destin organisé par les signifiants qui ont présidé à l’édifice d’un sujet dans un temps et un lieu. L’affaire de Milan Kundera est politique, nous avons été amenés à considérer que les lois de la vie politique et celles de la vie intime sont les mêmes, comme l’a éclairé aussi Michel Jeanvoine. Il nous faut alors revoir de plus près ce qu’en dit Feud dans sa Massenpsychologie. D’autres intervenants, notamment Martine Campion et Pascale Fourcade ont introduit un débat sur la castration particulière qui s’est imposée chez les personnages clés du roman de MK, castration qui n’est nullement cette nécessité de se soumettre aux lois dites de la cité, celle imposée dans le système signifiant qui est celui de l’être parlant pour arriver à l’assomption de son désir, et la castration qui vient au contraire couvrir d’une chappe de plomb ce qu’il en est du désir d’un sujet. Castration donc très éloignée de la conception freudienne, il s’agit de la castration du dictateur et de tous ceux qui subissent cette dictature, celle qui organisent la mort du sujet. François Benrais ainsi que Marie-Hélène Pont-Monfroy se sont également intéressés à cette castration. Cette castration qui est une mise sous le boisseau de sujets qui de ce fait en sont réduits à des comportements de morts-vivants, les induisait à se présenter en quelque sorte masqués par des comportements incompréhensibles pour les oppresseurs, avec des rondes et des rires manifestant un intime collectif incommunicable et dépourvu du moindre sens, non sans accointance avec ce que Lacan a décrit comme « le discours de la liberté ». Françoise Blanadet a eu cette formule très ramassée pour définir la situation : «  s’il y a un autre, il est renvoyé ailleurs ». D’autres que les personnes citées ont pris part à cette discussion jusqu’à former une sorte de brouhaha inaudibles sinon celui de la manifestation d’un très grand intérêt porté au débat.

Il était assez rigolo dans un récit du livre étudié de voir mentionné qu’un simple coup de pied aux fesses donné par l’étudiante Sara à deux étudiantes américaines organisant des rondes car elle ne comprenait rien à des devoirs demandés, a suffi pour réanimer une position subjective organisé par la castration comme assomption du désir. Façon somme toute timide et risquée de la part de Milan Kundera de faire valoir que le désespoir n’était pas la seule pente fatale dans l’enfer politique dans lequel vivait sa ville de Prague.
Cette temporalité de sujets soumise à l’Histoire avec une grande H, n’a rien à voir avec ce qu’il en serait avec notre contemporanéité, en effet son tempo serait plutôt celui de la grande affaire de la vie, à savoir l’amour. 
Autre temps, autre lieu, le contexte historique est radicalement autre, il ne s’agit plus d’une subjectivité revendicatrice d’une liberté d’expression d’une parole, d’actes, nous ne sommes pas en dictature. En ce qui concerne l’amour, la question est plus sociétale que politique, du moins dans nos pays occidentaux, quoique…

A cet égard, Luc Ferry a certaines idées, aussi bien en tant qu’ancien homme politique, il a été ministre de l’éducation nationale, qu’en tant que philosophe. S’il en a écrit un livre La révolution de l’amour dont la temporalité est à l’aune de l’amour, c’est bien dans l’intention de nous démontrer combien de façon fondamentale l’amour s’inscrit dans le temps du sujet. Et ce n’est pas pour rien qu’il cite Stendhal d’emblée :
 « L’Amour, la seule grande affaire de la vie ». Et ainsi il trace trois lignes de force : L’amour a remplacé peu à peu tous les autres principes pourvoyeurs de sens, toutes les autres sources de légitimation de nos idéaux les plus puissants. L’amour, l’amitié, la fraternité ; nouveaux socles de nos valeurs, cœur de nos préoccupations.

Un antique proverbe arabe « un homme qui n’a pas rencontré dans sa vie un motif de la perdre est un pauvre homme, car cela signifie qu’il n’a pas trouvé le sens de son existence ». 
La question du sens, dans la temporalité que nous vivons, se trouve liée à la question de l’amour et à celle de l’autre, de ce fait même.

Dans cet ouvrage sur ce qui organise notre temporalité assez récente, Luc Ferry se réfère souvent à Philippe Ariès et à Viviana Zélizer. Il introduit la notion de « spiritualité laïque ». On remarquera qu’elle est calquée quand même sur le modèle chrétien. C’est une façon différente de considérer le sacré ; non plus dans le sens religieux tel qu’il a été récupéré aux premiers temps du christianisme, mais dans le sens de son acception étymologique et philosophique comme « ce pourquoi on peut se sacrifier, risquer ou donner sa vie ». Les valeurs sacrées ne sont plus l’apanage des religieux mais bien celles des athées et des agnostiques avec refonte de ce qui peut être l’axe de la vie.

Ce qui retient notre attention est à la fois la question du sens et ce pourquoi on est prêt à sacrifier sa vie.
Contrairement au XIXème siècle, le déclin des idéologies et des nationalismes, du moins en occident, (il n’est pas interdit quand même d’espérer que les fanatismes qui se manifestent çà et là ne sont finalement que la contrepartie de l’aspiration à la tolérance de la plupart des peuples soumis aux lois des intégristes religieux )  réaffirment l’aspiration à la liberté de conscience et des choix dans la sphère privée. Si les idéologies sont quelque peu en berne, la sphère privée devient essentielle, c’est ainsi que nous arrivons à considérer que l’autre, notre semblable mérite amour et considération par un choix sociétale de façon individuelle, l’autre n’est plus exigé comme devant se fondre dans une masse.

On en vient à une exigence d’une vie privée dans l’idée que l’on peut avoir du bonheur et du respect venant de l’autre en s’efforçant à une réciprocité. Bien entendu si ce genre d’aspiration il y a, son application est loin d’être universelle, néanmoins ce qu’il y a d’intéressant est que l’individu se réclame désormais comme étant le seul juge de ses besoins et de ses désirs. Et pourtant… En tout cas cela peut être une aspiration.

L’épanouissement individuel demandé n’est cependant ni un chemin qui se fraye facilement, ni qui arrive à ses fins dans son propre concept dans ce sens même qu’il puisse aboutir exactement au contraire de ses buts initialement exprimés, par exemple son propre bien-être peut tourner au cauchemar quand la considération de l’autre l’en exclut, il peut choisir alors une option sacrificielle. De même, puisque c’est l’individu qui décide, il lui est possible de changer ses   propres aspirations s’il a la lucidité de conserver un certain sens critique sur lui-même. En tout cas il n’accepte plus qu’un autre lui impose ses choix. Cela se révèle surtout dans ce qui est devenu l’aspiration la plus précieuse, l’aspiration à l’amour devenue une exigence ; or, cela peut-il être une exigence. N’est-ce pas là plutôt la porte ouverte à tous les déboires ?

Ce qui est remarquablement intéressant est que cette aspiration à l’amour qui a fondamentalement bouleversé ce qu’il en était du mariage et de la place de l’enfant a bouleversé du même coup ce qu’il en était de l’organisation sociale et du politique.
Exactement l’inverse de ce que décrivait Milan Kundera dans Le livre du rire et de l’oubli. Le politique organisant les choix amoureux
Je ne vais pas m’étendre sur les alliances politiques ayant présidées à l’assise des royautés en Europe et ailleurs, ni à la femme comme objet d’échange avec Lacan lisant Lévi-Strauss. Je vais plutôt m’attacher à la lente évolution sociétale qui a abouti aux réflexions de Luc Ferry.

La grande révolution sociétale qui s’est concrétisée durant le 20ième siècle est l’introduction de l’amour comme fondement du mariage, remplaçant le mariage comme convention sociale et contrat social, une alliance entre familles par groupement d’intérêts, ce qui n’empêchait pas que l’amour puisse exister, mais il allait le plus souvent se manifester ailleurs, de façon tacitement admise pourvu que le socle du mariage n’en soit pas ébranlé. Le moyen âge avait instauré le charivari, dans tous les milieux sociaux quand la tromperie des époux risquait de troubler l’ordre établi du groupe social quelque soit sa taille. Inutile donc de dire que les plus grandes précautions étaient prises pour cacher une liaison ou bien alors dans ce cas précis. Si celle-ci se produisait elle était codifiée, et l’amant ou la maitresse était éloigné de façon à ne pas mettre en péril ce qu’il en était des alliances entre notables dans les régions et dans les pays. Ni amour, ni choix, écrit Jules Ferry, mais en revanche, poids de la communauté et souci majeur du lignage, de la biologie et de l’économie. Voilà donc en résumé, le mariage ancien, ajoute -t-il.

Comment donc s’est imposé le mariage d’amour ? C’est la question que se pose Luc Ferry.  Nous avons vu récemment que si le poids social de l’union disparait et que ce qui la fonde est simplement l’amour, la logique veut que rien ne puisse s’opposer au mariage pour tous, cela même si d’autres questions se posent et d’autres problématiques s’ouvrent. En particulier celle de l’enfant

On peut aussi se demander s’il y a aussi une castration dite sociale et comment elle opère alors que nous avons appris l’importance de la seule castration œdipienne dans l’opération structurale de la subjectivité avec le surgissement de la possibilité d’un Je s’opposant à un autre même si Je est un autre. Peut-on dire absolument que la castration sociale et politique n’existe pas? Nullement, mais elle ne relève pas de la dictature, elle existe, mais elle est tout aussi, dans un même mouvement, en quelque sorte dénoncée au bénéfice de ceux qui transgresse l’ordre établi, l’individualité n’a nullement effacé l’ordre établi, avec cette ambiguïté que dénoncer cet ordre est en quelque sorte le renforcer comme le faite qu’une exception grammaticale confirme une règle ! Un ordre établi dénoncé, hélas peut en créer un autre tout à fait despotique. On pourrait y consacrer des journées d’étude. Mais examinons un aspect de la modification sociétale.

Si la vie privée n’est plus contrainte par le regard de l’Autre pouvant lui imposer ses lois et dicter la conduite, toujours dans nos sociétés occidentales, vie privée dictée par les penchants amoureux et les sentiments, elle a pu étendre ses prétentions dans la valorisation des fruits de l’amour, dans la valorisation de l’enfant.
Pour des raisons diverses, l’enfant ne représentait nullement un attachement sentimental, loin de là. Il avait simplement l’importance liée à la transmission des biens et à la valeur économique de son travail. On s’y intéressait quand il était jugé avoir acquis une certaine maturité intellectuelle pour un travail précis
S’il venait dans un couple un nombre d’enfants dépassant les possibilités de son exploitation économique, le surplus était abandonné. Cela parait-il dans tous les milieux, du plus humble au plus élevé, les religieux les recueillaient au seuil des églises, les élevaient et les envoyaient ensuite dans des séminaires. Ce concept d’exploitation venu plus tard dans le vocabulaire marxiste, qui n’avait pas cours à ce moment n’en n’est pas moins le mot à employer.

Les abandons d’enfants avaient cours dans tous les milieux sociaux car les parents, quelque soit le milieu social, envoyaient leurs enfants en nourrice et souvent les y oublier purement et simplement, ils les récupéraient vers l’âge de 7 ans quand ils devenaient productifs. Beaucoup mourraient dans la plus grande indifférence sans que l’on demandât la moindre explication aux nourrices. Parfois les nouveaux nés dormaient entre leurs deux parents au risque d’être étouffés, ce qui arrivaient souvent. Manière plus ou moins consciente de s’en débarrasser.
C’était la mentalité ordinaire même si des attachements sentimentaux pouvaient aussi s’autoriser et s’imposer. Luc Ferry donne les vicissitudes de Montaigne, notre grand penseur, en exemple, qui selon Jean-Louis Flandrin, déclarait à un de ses amis avoir perdu « deux ou trois enfants en nourrice ». Il n’y avait pas que la grande mortalité infantile qui expliquerait le manque de l’attachement immédiat à un nourrisson, il y avait aussi la valeur qu’il pouvait représenter, les cadets et les filles ayant nettement moins de valeur dans la transmission des biens et des charges.

Le mariage, d’inclination, le mariage d’amour a complètement remanié le rapport à l’enfant. L’enfant, objet n’étant plus estimé à l’aune d’une capacité ou non de raisonnement, devint l’objet d’amour et de toutes les attentions car issu de l’amour.

Comment s’est imposé le mariage d’amour, la question de Jules Ferry ?
La mise en place du capitalisme et du salariat avec ce qu’il en a suivi pour les femmes. Les femmes qui travaillaient auparavant étaient, peut-on dire, considérées comme des outils, travail dur à la maison, aux champs, chez les particuliers. Pour la première fois les femmes ont accédé au travail rémunéré et du fait de l’exode vers les villes, ont pu disposer de leur argent loin de la pression sociale du clocher ; Luc Ferry parle de formidable émancipation par rapports aux poids des communautarismes. Il faut quand même ajouter que, entre parenthèses, jusqu’à il y a fort peu de temps, dans les années 60 du siècle dernier, les femmes mariées recevant un salaire devaient avoir l’autorisation de l’époux pour ouvrir un compte bancaire. Parler aussi des différences salariales serait aussi matière à nombre de discussions, mais ce n’est pas le propos du jour.
La femme est passée du travail contraint au travail rémunéré.

Temporalité subjective : changements radicaux sociétale avec le mariage d’amour et le travail des femmes rémunéré.

Cela ne veut pas vraiment dire que la femme échappe totalement à la contrainte du regard de l’autre, aussi bien féminin que masculin, il lui faut faire beaucoup plus d’efforts que ses soi-disant égaux masculins pour accéder aux mêmes postes hiérarchiques. Seules les professions libérales sont préservées de ce poids, quoique… de même l’usage persiste de demander aux parents un aval pour le mariage pour ne pas rompre les liens familiaux ou de compter sur les naissances pour abolir ce qui a été conflictuel, cela bien sur dans le meilleur des cas, sa famille on y tient. Et même sans le mariage qui ne s’impose plus comme obligation, les jeunes couples préfèrent toujours l’accord entre les familles aux relations conflictuels. Il arrive même et cela de plus en plus souvent que l’un des partenaires abandonnés reste dans contacts affectifs et cordiaux avec les parents et les proches de son ex.
Les mariages ou les liaisons d’amour et d’inclination ont engendré, pour les mêmes raisons qui les ont fait s’imposer, divorces ou ruptures. Les bases du mariage d’inclination sont les mêmes que celles qui les brisent ; l’amour n’y trouve plus sa satisfaction et le couple engendre sa propre souffrance. Le gain toutefois obtenu dans les nouvelles façons d’inscrire notre temporalité subjective dans le primat de l’amour, a été celui d’une moindre violence dans les conflits. Toutes les personnes engagées dans des relations précédemment impensables tant sur le plan sexuel que celui de l’amour, le plus souvent parfaitement liés, toute ces personnes de façon plus ou moins tacite tendent à dédramatiser. Bien évidemment cela n’exclut nullement que des passions peuvent se déchaîner surtout quand il y en a un de plus tacite que l’autre ! Néanmoins, divorces ou ruptures, dans l’ensemble se font plus paisiblement.

Auparavant, des nourrices étaient payées pour s’occuper des enfants jusqu’à l’âge de 7 ans, âge de raison, âge où l’enfant représentait un investissement économique, où il pouvait apporter quelque revenu, un âge où il pouvait être éduqué aux charges futures qui l’attendait s’il était l’ainé, soit placé dans un séminaire, son destin était tracé lorsqu’il n’avait pas été abandonné. On était loin du fameux « l’enfant est une personne » de Françoise Dolto.
Il en est tout autre donc actuellement où l’enfant est devenu « hors de prix » quant à ce qu’on considère comme ce qui lui est dû en matière d’éducation, de soin, d’investissements pour lui assurer le meilleur avenir qui soit. Enfant roi, rien n’est trop beau pour lui (Viviana Zélizer). Cet investissement de l’enfant serait beaucoup plus une conséquence heureuse du mariage d’amour que d’un progrès scientifique ayant pu remédier à la mortalité infantile qui était l’argument par lequel l’investissement affectif n’était pas indiqué du fait que cet enfant pouvait très vite disparaître. Mais on peut constater aussi que les progrès médicaux n’ont pas pour autant supprimé l’indifférence affichée à l’enfant par certains. D’aucuns, selon des théories dites de l’effondrement, revendiquent une exclusion de l’enfant dans tout type d’union. On voit quand même que des enfants, disons, rescapés de la science, s’ils sont privés d’amour sont toujours défavorisés.

La position de certains alarmistes sur l’avenir de notre planète, consistant à refuser de faire des enfants sont-ils vraiment sincères dans leurs arguments ?
L’adoption, au prix fort a pris place à l’abandon qui ne coûtait rien, ni pécuniairement ni moralement car aucune instance civile ou religieuse n’était habilitée à demander des comptes et apparemment cela ne venait à l’esprit de personne de s’envelopper dans ce rôle. On était loin d’un ministère sur les droits de l’enfant.
Les problèmes que l’on jugeait privés naguère sont les problèmes collectifs d’aujourd’hui. Michel Jeanvoine le disait un peu différemment lors de la soirée à Henri Ey sur Milan Kundera « les lois de la vie politique et de la vie privée sont les mêmes ».
L’importance de l’amour comme curseur des rapports individuels a entrainé une plus grande ouverture vers l’autre, une empathie, une diminution des jugements négatifs sur les écarts et les manquements. Mais en même temps une surveillance accrue de l’état sur les manquements éducatifs et sur la maltraitance.

De façon plus philosophique LF va parler d’un nouvel humanisme post-nietzschéen et post-métaphysique. Par-delà ce qu’on appelle le politiquement correct qui est une posture assez contestable, va se constituer un humanisme de l’amour, humanisme du sacré à visage humain. 
Il est amené ainsi à aborder ces chapitres chers aux philosophes que sont les questions de l’éthique et de la morale pour arriver à cet humanisme du cœur et de l’affectivité qui viendra en supplémentarité de l’humanisme du droit de de la raison.
Il va s’attacher à ce qu’il en est du juste et de l’injuste à travers les différents courants philosophiques de notre humanité.
Tout d’abord à la logique cosmologique, le cosmologico-éthique :
– La logique aristocratique basée sur l’excellence quel que soit le terrain, la nature ou l’homme, le juste c’est le meilleur, il n’a pas besoin de le prouver, il l’est de naissance. Socrate en aura été le meilleur représentant. Mais on remarque alors que Juste équivaut à Justesse. Celui qui de façon naturelle n’est pas le meilleur est ainsi esclave par nature et il doit travailler, son aptitude est d’ être  la chose d’un autre.
La logique de l’être et du devoir, dans la conception du juste, devait être sous -jacente au fait que la nature doit être magnifiée, instauration d’une logique des dons naturels. Donc, l’aristocrate, doué par définition, ne travaille pas. L’ordre dit « naturel » est profondément inégalitaire. Si nous sommes égaux en droits, nous sommes loin d’être tous pareils et égaux, nous ne sommes pas des fourmis indifférenciées.

Par contre, ensuite, le théologico-éthique, la morale judéo-chrétienne, viendra en rupture de ces considérations, elle veillera à l’égalité due au mérite aussi bien qu’à la valeur de la personne elle-même quelques soient certaines inégalités naturelles comme par exemple, l’intelligence, la beauté, la grâce. La valeur « travail » remplace celle du don naturel.

L’éthique républicaine, s’imposant en sus, en est venue à la notion de laïcité. La morale se fonde alors d’abord sur l’homme lui-même. S’inspirant de Pic de La Mirandole, l’homme étant devenu libre d’inventerson futur, Luc Ferry souligne qu’il peut dès lors choisir toutes les identités et toutes les destinées.
L’implication immédiate ; universalisme républicain, antiracisme, antisexisme, droits de l’homme et paradoxalement, colonialisme et tout aussi bien décolonialisme, ajouterons-nous. Et alors, cerise sur le gâteau, la femme devient un homme comme un autre avec Simone de Beauvoir.
Je vais m’arrêter là car cela m’entrainerait vers un autre débat que celui qui nous rassemble aujourd’hui. Par contre je me tourne vers Freud pour le regard fluctuant des sociétés sur l’enfant. Je suis allée faire une énième lecture de la Massenpsychologie.

Psychologie de masse, ou psychologie des foules ? dans les nouvelles traductions de 1981. Dans l’introduction de cette nouvelle traduction, il est question de l’opposition entre psychologie individuelle et la psychologie sociale ou psychologie des foules. Cela introduit la question sociale éminemment susceptible d’être différenciée par les différences des sociétés elles-mêmes et des évolutions de celles-ci. C’est un peu ce que fait Luc Ferry dans son regard sur l’évolution de la place de l’enfant dans certains environnements sociaux, il ne s’agira pas pour nous de nous placer au niveau des codes de la morale mais de ceux du comportement.

Cela pourrait éclairer le fait que des foules se soient déplacées pour l’enfant pour tous ou l’enfant issu de l’amour d’un couple, en rappelant quand même que dans la démarche on oublie qu’un couple est constitué d’un mâle et d’un femelle en vue de la fécondation. Nonobstant, dans le mariage pour tous  concernant n’importe quelle type d’union ou de compagnonnage, on en revient en quelque sorte à une conséquence du mariage d’amour et de l’inclination  qui veut que la fécondation au sein d’une union quelle qu’elle soit devienne tout à fait secondaire, ce n’est plus Dieu y pourvoira, mais la science y pourvoira. PMA et GPA pour tous. Le prix de l’enfant peut alors être exorbitant.

C’est ensemble, dans la foule qu’une opinion, qu’un droit se renforce. C’est le principe même de l’organisation de manifestations. « Si on est nombreux, on aura raison. » On peut appeler cela avec Freud, la contagion de l’affect. On peut aussi dire de façon chrétienne, l’amour justifie tout et a raison de tout. Confère Paul dans l’épître aux corinthiens. La foule est alors du ressort de pulsions libidinales, elle est libidinale de structure. N’en sont pas pour autant exclus les renversements en haine. Méfions-nous donc des foules !

Quant à l’identification qui s’ensuit dans une foule organisée libidinalement, il est tout à fait à remarquer que les couples homosexuels, « couples » entre guillemets s’identifient à des couples, sans guillemets, hétérosexuels par définition. Tant pis pour Œdipe !

Voilà comment, pourrait-on penser, le mariage d’amour, venant se substituer au mariage dit de raison, basé sur des alliances et ses lignages au sein de groupes quelque soit leur taille, en est venu au mariage d’amour dissociant celui-ci des liens de l’union mâle-femelle, couple par définition, dont l’enfant revendiqué est un objet de production. Capitalisme à l’usage humain !

La question éthique alors fondamentale : Que deviennent les droits de l’enfant ?
Quelle sera la temporalité subjective de l’enfant devenu adulte ?
 
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– Auteur : ANQUETIL Nicole  
– Titre : Temporalité signifiante du sujet  
– Date de publication : 06-03-2020
– Publication : Collège de psychiatrie
– Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=192

WESTPHALE Marie. L’automatisme mental : à propos d’un cas clinique.

Une clinique de la temporalité ?

L’automatisme mental :

à propos d’un cas clinique et des apports théoriques de 

De Clérambault

Marie WESTPHALE

 

Je remercie le Collège de Psychiatrie de me donner la possibilité de vous faire cette intervention cet après-midi et je remercie particulièrement Michel Jeanvoine qui en a déterminé le sujet.

Les questions posées par la psychiatrie sont des questions posées à l’homme d’une manière générale.

L’automatisme mental (AM) pose les conditions nécessaires à notre subjectivité, c’est à dire que l’AM est un témoin du fonctionnement de chacun d’entre nous.

Il introduit à une longue controverse notamment sur la question de la relation pensée/ langage. Il nous renvoie à ce qui nous apparait comme un assemblage bizarre de perturbations de l’expérience vécue. Il laisse entrevoir qu’il y a là quelque chose qui pourrait concerner de manière plus générale le rapport de tout parlêtre à ce qu’il lui arrive de nommer « sa pensée » « nous ne savons pas très bien ce que nous appelons nos pensées » disait Charles Melman en 1991. L’explorer nécessite un retour aux symptômes, à l’écoute des patients, à des écrits descriptifs.

C’est ce que je vous propose de faire dans un premier temps à propos d’un patient vu en présentation clinique à Brest puis je reviendrai sur le travail et les apports de De Clérambault sur le sujet.

Alors quelques repères biographiques et anamnestiques sur le patient que j’appellerai « Robert » vu en entretien par le Dr Michel Jeanvoine lors d’une présentation clinique à Brest à la clinique de l’Iroise où je travaille. 

Robert, schizophrène, est accueilli à la clinique, il ne dort plus et à des idées noires, malgré les nombreux médicaments déjà prescrits mais, mal ou non pris. C’est un homme grand, costaud. Son crane est dégarni mais il porte une longue barbe non taillée, des vêtements usés mais propres. Il renvoie à une sensation de « paradoxe temporel » : ses habits fanés et sa longue barbe laissent penser que quelque chose est resté suspendu dans le temps.

Il s’engage dans l’armée à 18 ans pour 3 ans, période où il raconte avoir été victime d’insultes de la part de ses camarades, vécues comme des menaces. Puis il intègre une formation de BEP électromécanicien, d’où il est renvoyé sans qu’il en comprenne la raison. S’en suit une période d’errance où il « fait la route » selon ses propres termes, jusqu’à sa première hospitalisation en 81 en HO à la suite d’une décompensation délirante après une rencontre. Il a alors 26 ans. C’est le début d’un parcours, émaillé d’hospitalisations sous contraintes, de tentatives de suicide une par défenestration et une par phlébotomie et de nombreux voyages pathologiques.

Ce qui est intéressant dans ce cas et je vais vous citer quelques extraits, c’est que Robert présentait des hallucinations visuels, auditives mais aussi un automatisme mental où on remarque ce qui a été souligné par Mr Jeanvoine qu’il y a une dimension et tension rétroactive dans l’injonction xénopathique, une anticipation : comment savent-ils ce que je vais faire ?  On peut relever 2 exemples

Exemple 1 :

R : mon père m’a dit « il l’fera pas » …Je suis resté à l’regarder mais y f’ra pas quoi ? Et je lui ai pas posé la question hein ! j’ai rien dit et puis je suis parti dans ma vie…Après je reviens, et qq jours après y m’dit « attends », attends quoi ? je lui ai pas posé la question, mais attends quoi, il m’a pas dit. Comme si mon père devinait tout…

Exemple 2 :

R : A Concarneau, un copain d’école, j’arrive. « Ah ! salut Robert ! et puis d’un coup il s’retourne vers ses copains : « il va l’faire ! » Faire quoi ? Ba je…Je n’sais pas, moi….

Dr MJ : oui c’est énigmatique.

R : ouais, c’est énigmatique parce que c’est comme si les gens y savaient, y connaissaient la vie avant moi !

Dr MJ : oui.

R :et que moi, j’ai qq chose à faire avant de mourir.

Dr MJ : oui.

R : Voilà, Alors, moi, quoi faire ? Qu’est-ce que je dois faire, je sais pas.

Je poursuis. Il entend aussi des injonctions :

Exemple 1 :

« Toi, un jour tu vas te suicider » alors je lutte, je lutte pour ne pas me suicider, « on m’a dit que je s’rais jamais heureux, et qd on m’a dit ça j’étais heureux », « t’es un mec spécial », « Ah tu vas voir, la vie sera facile pour toi. », « Ah bon ? Bon. » et qq jours après il me dit : « non tu s’ras jamais heureux »

Exemple 2 :

« Une infirmière… elle nous dit comme ça « ça va recommencer ! » Mais, mais pourquoi elle a dit ça ? Et je lui ai pas posé la question : mais qu’est ce qui va recommencer ? Donc j’ai encore une question sans réponse dans ma tête.

Schreber a des phrases interrompues, là ce sont des injonctions ou des questions qui lui sont posées, où il est tenu d’apporter des réponses, qu’il est obligé de résoudre. Dans la réalité déjà assumée et connue, il y a la dimension et tension rétroactive dans l’injonction xénopathique, une anticipation « comment peuvent-ils savoir ? ». 

Je continue :

R : « C’est invivable, je ne sais même plus si c’est des pensées ou des voix, quoi. »

« Quand je me parle tout seul c’est comme si il y avait une personne en moi »

« Et puis, ça sort par ma bouche, comme ça : « tiens-toi bien » comme ça. Pop ! Mais ! Et ça, je, je ça vient de mon cerveau et pis ça sort tout seul, mais, mais euh…je le dis pas, mais je l’entends. »

Dr MJ : « Vous ne le dites pas ; mais vous l’entendez et ça sort par votre bouche ? »

R : Oui.

                                                  ………………..

De Clérambault a été le principal découvreur de l’automatisme mental (AM). Avant lui Pierre Janet écrivit en 1889 un traité consacré à « l’automatisme psychologique ».

Gaëtan Gatian de Clérambault est un psychiatre français né en 1872, et mort en 1934. Il décrit l’automatisme mental à partir de 1909, sans qu’on puisse en faire vraiment l’historique mais il fut porté à l’ordre du jour en 1927 au Congrès de Blois où ses publications furent réunies en un seul abrégé. C’est Jean Frétet qui publiera en 1942 l’ensemble de travaux de son maître sous le titre Œuvres psychiatriques.

Mr Garrabé a écrit un article tout à fait intéressant sur les psychoses à base d’AM publié dans le JFP qui décrit l’évolution des idées sur l’AM de 1927 à 2017. Il faut dire que le concept n’a laissé et ne laisse personne indifférent ou neutre et a suscité des positionnements divers dès son énoncé.

Mr Postel en 98 dans le Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique le définit comme une : « association de phénomènes psychopathologiques entrainant chez le patient le sentiment et la conviction délirante qu’il n’est plus maitre de sa volonté et qu’une force étrangère a agi sur lui et contrôle toute son activité psychique, dirigeant ses actes, sa pensée et ses perceptions ».

L’AM est une clinique du langage c’est à dire qu’elle vient pointer un rapport au langage. Il faut différentier ce qu’il en serait d’une clinique du comportement qui est très actuelle (déficit, dépression, excitation…) et ce que serait la spécificité du langage, c’est-à-dire le propos même du patient. 

A noter que le terme d’AM est absent de toutes les classifications internationales DSM mais aussi de la CIM 10, elle n’est plus reconnue comme entité spécifique malgré les apports décisifs qu’ont constitué la mise en forme stricte d’abord sous le nom de « syndrome de Clérambault » puis sous le nom de « syndrome S », d’un certains nombres de symptômes décrits par ses prédécesseurs dont Séglas, Baillarger. Il lui a été reproché de réduire sa signification à un inventaire et au mécanicisme. Elle est englobée dans les phénomènes productifs des psychoses, et on peut éventuellement la comparer aux troubles délirants persistants de la CIM10 et au trouble persistant du DSM4.

Pour avancer, je fais un petit retour sur la question des hallucinations comme elle se pose au début du XXe siècle, pour voir quels étaient les enjeux, du temps de De Clérambault, lorsqu’il a isolé ce syndrome. Tout le problème dans les hallucinations vient de cette définition que l’on trouve par exemple chez Esquirol, qui décrit l’hallucination comme une perception sans objet. Au fond, une perception fausse. Le problème de cette définition, c’est qu’elle suppose une sorte de transparence du sujet dans son rapport à la connaissance, un sujet qui serait dans une transparence de soi à soi. Donc posé dans ces termes de reconnaissance et de conscience. Après nombres d’observations et de débats, les psychiatres se sont rendus compte qu’un certain nombre de phénomènes qui, visiblement, étaient vécus de manière hallucinatoire pour un patient mais ils ne font pas appel à la sensation.

De Clérambault a donc tenté de discerner les signes qui pour lui peuvent rendre compte de l’origine du développement des psychoses.

De quoi s’agit-il ? Et comment le nommer correctement ?

Il le définit comme « les phénomènes classiques : pensée devancée, énonciation des actes, impulsions verbales, tendance aux phénomènes psychomoteurs (Séglas) », c’est uniquement des troubles du cours de la pensée et des hallucinations psychiques, qu’il oppose aux hallucinations auditives et psychomotrices caractérisées (Baillarger) et qu’il a nommé « Petit automatisme mental ». 

Il affirme sa teneur, je le cite :

-NEUTRE (au début) du point de vue affectif qui constitue un dédoublement de la pensée (donc ne s’associe pas forcément à une idée de persécution),

– NON THEMATIQUE du point de vue idéique donc « anidéique », leur caractère non sensoriel c’est-à-dire que la pensée qui devient étrangère le devient sous une forme ordinaire de la pensée, dans une forme indifférenciée et non pas dans une forme sensorielle définie 

Ultérieurement divers processus concourent à lui conférer plus ou moins d’hostilité.

– INITIAL dans le décours de la psychose. Et là ce qui était nouveau avec De Clérambault c’est qu’il défend que ces phénomènes soient le plus souvent (pas de façon constante) les tous premiers signes de la psychosealors que jusqu’alors ces phénomènes étaient jugés comme des complications contingentes et tardives. Il soutient que le petit automatisme est le point de départ de la psychose hallucinatoire chronique. Dans sa conception, les hallucinations proprement dites tant auditives que psychomotrices seraient tardives.

L’AM comme il le défini serait un processus autonome, parfois isolé, auquel peut s’adjoindre un délire et la sensation d’« être persécuté » jusqu’à plusieurs années après le début.  Il s’oppose là aux théories de Falret et de Legrand du Saule.

Je continue : De Clérambault associe cet automatisme mental à deux autres automatismes : l’automatisme sensitif et l’automatisme moteur et il parle alors de « Triple automatisme » : verbal, sensitif et moteur, pour lui il faut regarder l’automatisme mental dans sa triple dimension : idéo-verbale (ils entendent une pensée qui n’est pas la leur ou écho de la pensée), motrice (mes yeux regarde le pantalon d’une dame alors que je voudrais qu’ils regardent mon chemin) et affective (on m’impose une colère qui n’est pas la mienne, je ne peux que me mettre à l’abri pour hurler ma colère).

Dans ces 3 automatismes, le trait commun c’est que le sujet ne reconnait pas sa responsabilité dans ce qui l’anime.

Il évoque plus tard des processus rares et moins étudiés qui peuvent appartenir à l’AM. Je le cite :

-processus positifs subcontinus (: émancipation des abstraits, dévidage muet des souvenirs, idéorrhée).

-processus positifs épisodiques, accompagnés de sentiments intellectuels : (ressemblances, fausses reconnaissances, étrangeté des gens et des choses).

-processus négatifs divers (accompagnés de sentiments intellectuels) : (disparition de pensées, oublis, arrêts de la pensée, vides de la pensée, perplexité, sans objet, doutes, aprosexie, processus mixtes négatifs et positifs, substitution de pensée, oublis et apports, idéorrhée, passage d’une pensée invisible, automatisme affectif, émotif et volitionnel, automatisme visuel, jeux verbaux parcellaires).

Lacan dans son séminaire des psychoses dit que le phénomène psychotique est donc à la fois « l’émergence dans la réalité d’une signification énorme qui n’a l’air de rien et ce, pour autant qu’on ne peut la relier à rien, puisqu’elle n’est jamais rentrée dans le système de la symbolisation » et « la libération de la chaîne du signifiant ». Et ça nous mène dans cette ambiguïté : d’un côté un signifiant qui tourne obsessionnellement à vide, de l’autre une signification qui cherche tant à se dire qu’elle assaille, sourde et aveugle, le champ de la conscience.  L’AM c’est le moment où – on peut dire cela très simplement – souvent, dans le début d’une psychose, le sujet se raccroche au symbolique. Mr Ferreto l’explique très bien dans son article sur l’AM :  ce à quoi on assiste dans ces moments de décapitonnage est que la chaîne signifiante se met à fonctionner toute seule, n’est plus vectorisée et qu’on voit fonctionner, à l’état libre, d’un côté ce qui en est de l’énonciation et de l’autre ce qui fait retour au sujet de l’énoncé. Il n’y a plus, comme dans la chaîne signifiante normale, la rétroaction qui permet à la chaîne de tenir. Ce qui se met en place, c’est une espèce de tournage en rond, de bouclage en rond de la question de l’énoncé et de celle de l’énonciation. Il se boucle de manière circulaire sur un mode assez particulier qui est très typique de l’AM, qui doit toujours se manifester par une sorte de jonction-disjonction.  C’est ce qu’on trouve aussi dans le cas clinique de l’Homme aux paroles imposées et dans notre cas Robert. Il y a toujours un certain nombre de paroles qui sont envoyées au sujet sur un certain mode et il est toujours sommé de répondre : « Mon père m’a dit « il l’fera pas » …Je suis resté à l’regarder mais y f’ra pas quoi ? Et je lui ai pas posé la question hein ! j’ai rien dit et puis je suis parti dans ma vie…Après je reviens, et qq jours après y m’dit « attends », attends quoi ? je lui ai pas posé la question, mais attends quoi, il m’a pas dit. Comme si mon père devinait tout… »

 Et c’est assez important à comprendre, ça parait peut-être paradoxal, mais c’est juste sur ce mode là que le sujet arrive à se maintenir, dans le battement même de cette disjonction.

Dans l’écho de la pensée, le patient peut entendre ce qu’il reconnait comme sa propre pensée dictée, déclamée par une source autre, étrangère, xénopathique. Justement parlons de l’écho de la pensée.

L’ECHO DE LA PENSEE est pour de Clérambault le phénomène centralde l’automatisme mental. Il estime que c’est la conséquence d’un phénomène d’origine mécanique d’un phénomène de dérivation. Elle assure une sorte de transition entre le petit et le grand automatisme mental. Il a bcp utilisé la métaphore de l’électricité. Il la décrit comme « le résultat de la bifurcation d’un courant qui aboutirait à 2 expressions séparées d’une même idée. Cette métaphore pourrait être calquée sur la réalité ». L’écho de la pensée avait été décrit par Séglas en 1892. Il conduit au syndrome du grand automatisme mental qui englobe comme je l’ai dit précédemment pour De Clérambault, l’ensemble des hallucinations psychosensorielles de tout type.

L’écho anticipé de la pensée défi le bon sens, celui qui jusque-là pouvait penser légitimement être à la source naturelle de sa pensée l’entend articulée, alors que lui-même ne se l’était pas formulée. En d’autres termes énoncés dans le livre de Mr Faucher « à mesure que je parle, j’oublie que je m’entends en écho, cependant que j’anticipe sur ce que je vais dire et que j’effectue une rétroaction sur ce que j’ai formulé. Dans l’écho de la pensée il s’agit d’une pensée que le patient reconnait pour sienne ou dont il considère qu’elle aurait pu l’être, mais qui se présente articulée, formulée, par un autre que lui.

Il bouscule donc le « je pense donc je suis » « je suis la chose qui pense » de Descartes.

Mais je ne vais pas développer ici ni Descartes ni la pensée transcendantale de Kant. Juste, dire que la passivité qui est au cœur de ce qu’a décrit de Clérambault dans sa description de l’AM, il l’avait au début qualifié de syndrome de passivité. Elle est aussi repérée par Kant comme centrale chez tout sujet. Elle reste normalement voilée mais la décomposition spectrale qu’opère la psychose la met en évidence.

La dimension xénopathique est d’emblée indiquée par le patient, tandis que celle d’un retour de quelque chose qui lui était propre, habituellement méconnue par le paranoïaque, est clairement désigné par le terme même d’écho.

Je reviens sur notre cas Robert :

« Quand je me parle tout seul c’est comme si il y avait une personne en moi »

« Et puis, ça sort par ma bouche, comme ça : « tiens-toi bien » comme ça. Pop ! Mais ! Et ça, je, je ça vient de mon cerveau et pis ça sort tout seul, mais, mais euh…je le dis pas, mais je l’entends. »

Au moment où il perçoit la formulation d’une pensée qu’il pourrait tout à fait reconnaitre comme la sienne, ici formulée à la 2eme personne, qu’il se trouve le plus exposé à être expulsé de la place qu’il considère comme sienne et souhaiterai occuper. Il est chassé du lieu qu’il occupe.

On peut parler d’éclipse subjective. C’est une chose de méconnaitre un jugement alors que d’une certaine façon il s’est déjà opéré quelque part en nous mais on le méconnait mais c’est autre chose que de méconnaitre le lieu où se forme le jugement lui-même ce qui fait que l’affect qui en résulte sera vécu comme xénopathique, c’est l’instance elle-même d’où ce jugement procède qui est rejetée comme extérieure à moi.

L’AM caractérise un mode d’intuition intellectuelle (la nôtre est sensible), celui pour qui il n’y aurait pas la temporalité logique de l’après coup.
La spontanéité c’est l’exercice de notre entendement spontané dont nous prenons la mesure car nous sommes affectés par la pensée, c’est à dire que nous ne pouvons pas nous même nous reconnaitre comme un être spontané.

A noter la dimension d’anticipation, ce que De Clérambault appelle l’écho de la pensée naissante, c’est-à-dire l’énonciation des intentions « ils répètent mes pensées avant moi ».

Dans le cas de Robert : « Ouais, c’est énigmatique parce que c’est comme si les gens y savaient, y connaissaient la vie avant moi ! »

L’idée qu’il y aurait un original est ainsi supposée par le patient dans la tentative de ressaisir en lui-même ce qui serait, comme identité un lieu, non dénaturé de sa propre détermination. Ça le met dans la position de celui qui découvrirait inopinément la présence d’une doublure de lui-même sur une seule et unique scène. De Clérambault invite à considérer qu’il y a dédoublement de la pensée. Il souligne régulièrement combien le combat est ici perdu d’avance par le registre du sens, voué à être envahit par cette personnalité Autre.

 Le patient se retrouve en quelque sorte à incarner un personnage virtuel étrange, il est intéressé par une séquence verbale qui n’implique aucune adresse. Là, la doublure n’est pas un thème mais un fait de structure. C’est dû à la question de la disjonction des termes de la relation narcissique et donc c’est, à proprement parler, un effet de structure. Le moi et l’image spéculaire ont pris leur autonomie avec pour conséquence pour elle de se voir sans cesse déployée dans son dédoublement constitutif.

Lacan parle du moi idéal comme d’un jumeau et qui dans la psychose devient parlante. Freud avait aussi évoqué l’automatisme mental sous le nom de délire d’observation et a développé le concept de « Die Verneinung » qui fait appel aux notions de jugement d’attribution, attribuer quelque chose à qq un ensuite et donc seulement dans un 2eme temps, de reconnaitre à une représentation l’existence de la réalité.

Si l’Automatisme Mental est bien un syndrome structural dont notre langage peine à rendre compte de l’unité, le nouage borroméen pourrait permettre d’écrire ce qui échappe à cette nomination. La topologie borroméenne de Lacan pourrait constituer l’outil le plus adapté pour l’éclairer. J’en dis juste deux mots que j’ai trouvé dans le travail de Nicolas Dissez et qui me semblait intéressant :

-autonomisation du Symbolique à l’égard du Réel qui pourrait rendre compte du caractère anidéique du Petit Automatisme mental

-l’écho de la pensée lui pourrait être lié à un glissement, qui conduit à une disparition de la zone de la jouissance phallique, donne aux registres : du Réel et du Symbolique et, à une zone du sens et de la jouissance de l’Autre des places en miroir et équivalentes, séparées par une zone qui serait celle de l’objet a.

Pour conclure, si la clinique de l’AM nous interpelle tant c’est probablement parce qu’elle constitue autant la synthèse par De Clérambault des forces qui conduisent un sujet à se voir éjecté du langage que l’ensemble des tentatives de ce sujet pour retrouver une insertion dans ce langage. Souvent, on dit que l’AM, c’est une structure d’exposition ; cela est vrai, c’est une structure d’exposition pour le sujet lui-même au grand Autre, mais c’est aussi une structure d’exposition des éléments de la structure elle-même. 

C’est important de pouvoir la reconnaître, au minimum qd on s’occupe de patient psychotique.

 

Bibliographie

– Œuvres choisies. Gaëtan de Clérambault

– Automatisme mental. Histoire et clinique d’un concept controversé.JFPn°45 éres 2018

– L’automatisme mental . Kant avec De Clérambault. J.M. Faucher. JFP éres 2011

– Radio France Culture. Automatisme mental.

– Les Psychoses. J.Lacan

– L’automatisme mental. J-L Ferreto. JFP 2009 /4 n°35

 

 

 

 

 

 

 

 

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– Auteur : WESTPHALE Marie  
– Titre : L’automatisme mental: à propos d’un cas clinique  
– Date de publication : 06-03-2020
– Publication : Collège de psychiatrie
– Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=191 

Catherine Ferron. De quoi le futur antérieur est-il le nom?

Une clinique de la temporalité ? 

DE QUOI LE FUTUR ANTÉRIEUR EST-IL LE NOM ?

Catherine Ferron

D’abord merci de votre invitation aux journées nationales du collège de psychiatrie dans le cadre d’une clinique de la temporalité.

Je vais essayer de vous faire partager mon intérêt pour le futur antérieur, et l’embarras qui en résulte, en vous proposant à la suite d’un cas clinique de suivre le parcours de Lacan autour de cette expression futur antérieur ainsi que les élaborations de Jean Bergès, avec lequel je conclurai.

Voici d’abord quelques exemples extraits de différentes grammaires pour nous familiariser avec ce temps particulier mais qui n’ont d’autre d’intérêt que celui de nous rafraichir la mémoire et sans doute pas celui de nous éclairer pour la suite…

« Auras-tu bientôt fait ? » (Molière)

« Nous aurons vite fait de la ramener aux idées saines. » (Mauriac)

« Tu n’es pas gracieux ce matin, pour moi tu auras mal dormi. » (M. Aymé)

« Enfin je l’aurai vue cette pièce ! »

« Au moment même où vous en aurez donné l’ordre, je serai déjà parti. »

« Quand tu auras fini tu viendras. »

« Quand tu auras fini de me regarder comme ça ! »

« Dès mes premières années j’aurai été maltraitée. » 

« Dès qu’il aura fini qu’il vienne. »

« J’aurai donné 30 ans de ma vie pour en arriver là ? »

COMMENÇONS PAR LA CLINIQUE

Dans le service où je travaillais à Saint Anne nous recevions parfois des enfants en situation d’urgence (à une époque où la préfecture de police n’était pas encore outillée pour cela) et la psychologue responsable du PAV (Paris Aide aux Victimes) me demande un jour si je suis d’accord pour venir dans une école primaire à la suite de l’appel de la directrice : deux enfants, deux frères, l’un en CP l’autre en CE2 ont été tués par leur père qui a également tué sa femme et s’est ensuite donné la mort.

Je n’entrerai pas dans le détail de mes journées dans cette école dont j’ai parlé il y a quelques années au cours d’un colloque organisé par A. Harly autour de l’enfant et de la mort.

Pour situer le moment de mon intervention : une semaine s’est écoulée entre le drame et ma venue à l’école au cours de laquelle a eu lieu une cérémonie religieuse réservée à la famille. L’enterrement était prévu pour le jeudi suivant ma visite.

La directrice chaleureuse et à l’écoute qui m’accueille me demande de commencer par la classe de CE2 celle du frère ainé puis d’aller dans la classe des CM2 dont elle disait que « c’étaient eux qui semblaient les plus touchés et manifestaient le plus d’angoisse et de tristesse » alors qu’aucun des deux enfants morts n’appartenaient à cette classe. Puis de voir enfin les CP, classe de l’enfant décédé le plus jeune. 

La relecture de mes notes m’a orientée vers la question de l’anticipation qui s’est révélée sans doute la plus prégnante et faisait la différence dans les discours des enfants entre classes différentes. Alors qu’aucune question de cet ordre ne s’était fait entendre chez les CP, les CE2 disaient « pourquoi on savait pas ce qui allait arriver ? » et chez les CM2 la question avait eu un tout autre impact dont nous allons parler.

Au cours de l’entretien avec ce petit groupe de CM2 – rappelons donc qu’aucun des deux enfants victimes n’appartenait –, l’un d’entre eux s’est particulièrement effondré en pleurs « parce que », a-t-il dit, « le vendredi, Joseph m’a dit qu’il voulait pas rentrer chez lui… j’aurai pu le dire ». Et comme un chœur antique, les autres enfants reprenaient pour eux : « oui on aurait pu dire quelques chose ». Mais lui était inconsolable.

Alors pourquoi ai-je entendu le futur antérieur chez ce garçon alors que la reprise par le groupe de la même phrase introduite par on (cad un je pluriel mais dans lequel on entend en tiers la troisième personne ils) « oui, on aurait pu dire quelque chose », fait entendre la désinence verbale du conditionnel (1ère forme) [1] avec un sujet pluriel indéfini.

Ce garçon s’est-il senti dépositaire d’un message, investi en miroir, prévenu de quelque chose, coupable alors de n’avoir pas fait le messager et donc peut-être responsable de n’avoir pu éviter la mort à son camarade ?

C’était la prise de conscience d’une perte irrémédiable en même temps que le constat d’une impuissance, mais laquelle ? Que nous dit-il : qu’il aurait pu… parler et donc savoir… savoir avant le drame… et donc anticiper… En somme une tentative de prendre le pouvoir sur le temps… De refaire l’histoire. 

Cette question de l’anticipation est abordée par J. Bergès en plusieurs endroits de ses séminaires. Comment se construit-elle ? Il y a d’abord le regard et l’ouïe dès les premières heures du bébé qui anticipent la voix de la mère et plus tard anticipent la discrimination des différences phonétiques dans l’adresse du discours maternel. Et puis c’est dans la matrice symbolique du stade du miroir que l’enfant anticipe sa totalité : je cite J. Bergès : « l’anticipation est dans la jubilation, dans une motricité désordonnée soutenue par le regard de la mère qui réalise ce que le symbolique a d’anticipé par ses commentaires ». Paroles et mouvements donc.

Il insiste [2] sur cette complaisance de la mère à être miroir pour l’enfant (il parle de « décalcophilie »), sur ce moment qui se répète « dans la qualité phasique diachronique de ce miroir, l’alternance de la présence et de l’absence et sa dialectique radicalement prise dans le symbolique, aussi bien en tant que cette dialectique est parlée par la mère que parce qu’elle est anticipée au futur antérieur par l’enfant ». 

La mère en place de grand Autre régirait-elle le futur antérieur? Le futur antérieur est-il la traduction signifiante logique de l’anticipation? Nous voyons que notre questionnement commence… Et se poursuit dans  le jeu du for-da qui confirme cette dialectique qui met en jeu la présence sur fond d’absence et l’absence sur fond de présence : « avec un certain délai survient la réponse qui était dans le passé, l’enfant déclenche lui-même le futur antérieur » en même temps que la répétition.

Et puis. Il y a « les manifestations prophétiques de la famille, les projets implicites, les déclarations de ressemblance ou d’appartenance qui constituent pour l’enfant autant d’impératifs de destinée, autant d’anticipations forcées… et dans cette tension imaginaire pour y répondre l’enfant se situe à l’état de leurre » Cette complaisance de la mère à être miroir engage l’enfant à une réponse qui la comble elle-même puisqu’il se situe comme unique objet comblant son désir. Ce leurre entretenu par l’un et par l’autre n’aura évidemment qu’un temps.

Donc anticipation forcée dans laquelle l’enfant se positionne comme leurre, enfant comblant le désir de la mère, enfant idéal. Que se passe t-il quand il y a mise à mal brutale de cette belle harmonie et donc prise de conscience de la dysharmonie [3]? Réponse de J. Bergès : « Dès lors s’impose le futur antérieur à la fois projeté dans le leurre et pris dans le raté du passé… » Tout s’écroule chez notre petit garçon : le passé reconstruit dans un futur (lui-même passé au moment où il me dit cela), un futur qu’il aurait voulu, qu’il voudrait autre, de l’ordre de l’impossible aujourd’hui, mais construction nécessaire puisqu’il est question de nier la mort. Le futur antérieur me permet un instant cette logique en même temps que les faits détruisent toute velléité de doute, d’hypothèse, et même de conditionnel. Je n’aurai pas été celui qui aurait pu dire… mettre en garde… protéger… empêcher ce destin funeste. 

J. Bergès d’ailleurs avec son talent de la formule entend cette proximité du futur antérieur et du conditionnel, proximité qui s’entend également dans la reprise par le groupe d’enfants. Reprenons son raisonnement : « si le destin annoncé (en l’occurrence : la vie suivant son cours c’est-à-dire la non-mort des enfants) ne se produit pas, dès lors le futur aboli va s’exprimer au conditionnel, modalité qui ouvre la voie au jugement, à la culpabilité ; entre le futur et le conditionnel en français tout tient dans une lettre (s) et le leurre tient au si (si j’avais su j’aurais pu le dire). Dès lors s’impose le futur antérieur à la fois projeté dans le leurre et pris dans le raté du passé… ». Et avec les termes de projection, de leurre et de ratage dans le passé, nous entendons une expression de fugitivité, de fugacité de l’instant du futur antérieur. Nous vient à l’esprit l’article de Lacan sur les 3 temps logiques : l’instant de voir, le temps de comprendre, le moment de conclure, démonstration qui a toute son ampleur ici nous semble-t-il mais que nous ne traiterons pas dans ce contexte. 

Notre petit garçon de CM2 s’écroule en pleurs (paroles et mouvements) : « vendredi Joseph m’a dit qu’il ne voulait pas rentrer chez lui… j’aurai pu le dire » : la 1ère personne ne permet pas à l’écoute de différencier le futur du conditionnel et l’on entend la culpabilité, le jugement qu’il porte sur lui-même. Le sous entendu est « si j’avais su j’aurais pu le dire » ; mais le si du conditionnel s’effondre en même temps que l’avenir : mon petit copain est mort en même temps que, moi, je ne peux plus faire comme si je pensais ma parole impuissante de n’avoir pas été dite… comme si je pouvais encore me leurrer sur son pouvoir, comme si je pouvais encore combler ma mère quant à ce qui lui manque… je ne la leurre plus, la lettre muette s qui marque le conditionnel et qui ne s’entend pas dans le je, disparait de ce qu’il n’y a plus d’interlocuteur qui partage le leurre… Il est fixé pourrait-on dire à cet instant du passé où son petit camarade lui a communiqué son angoisse dans un futur qui devient comme une impasse temporelle. Je n’aurai pas été [4] … un héros, l’enfant idéal, qui comblait le désir de ma mère. « Dès lors s’impose le futur antérieur à la fois projeté dans le leurre et pris dans le raté du passé… »  

« Qu’est ce que j’anticipe dans le futur antérieur sinon quelque chose que je sais » nous dit Freud. Le futur antérieur apparaît comme un temps logique, comme une assertion de certitude anticipée, mais alors comment ce futur antérieur ferait-il preuve par son apparition (guère de mise aujourd’hui dans le discours commun) de la primauté de l’ordre symbolique ? Comment trouver ou retrouver une logique imparable qui n’existe que le temps du dire et une logique qui met à mal tout imaginaire ainsi qu’une longueur de temps, une temporalité étendue ? Le titre du livre de Bachelard « L’intuition de l’instant » nous revient à l’esprit : fait-t-il référence au futur antérieur ? Nous avons retrouvé une formule concernant son œuvre car ce philosophe est bien loin de nous aujourd’hui : « cette intuition de l’instant : une totale égalité de l’instant présent et du réel… » Lacan va nous permettre d’aborder ce réel.  

MAIS UN PETIT DÉTOUR PAR LES GRAMMAIRIENS S’IMPOSE D’ABORD

Après consultation de nos nombreuses grammaires, aucune ne vaut les chéris incontournables de Lacan Damourette et Pichon [5] qui restent les maitres, dans le chapitre 25, celui de l’énarration (troisième répartitoire qui touche le « domaine psychologique de la notion de temps et exprime le plus proprement l’idée d’une époque temporelle et combinée à l’actualité et à la temporanéité », ce sont leurs termes) écoutons bien parce que le démarrage est abrupt :

N°1857 « l’aurez-su s’appelle classiquement futur antérieur. Cela implique que l’on choisit comme point d’observation un instant de l’avenir et que de ce point on considère l’événement en question comme antérieur à cet instant : telle est bien la fonction du FA ». Pardon pour cette qualification mais ce sont véritablement de petits malins : ils sont capable de donner un exemple minimaliste qui fait entendre l’imbrication futur-passé, de faire entendre l’importante question du sujet dans la formule ramassée à la seconde personne du pluriel où le vous est remplacé par un article élidé en place de pronom faisant référence à un événement. Et dans le « aurez su » nous avons la contiguïté de deux verbes : avoir et savoir… avoir le savoir !… c’est encore plus fort.

Que dit Lacan du futur antérieur Il y a beaucoup de références bien entendu que nous allons parcourir mais d’abord, au hasard de mes lectures – et cité par Philippe Sollers [6] – il se l’applique à lui-même : « Ce qui se réalise dans mon histoire dit-il (…) est le futur antérieur de ce que j’aurai été pour ce que je suis en train de devenir. » 

J’ai donc essayé de repérer le terme de futur antérieur dans les Ecrits et les séminaires où j’ai été entrainée dans une articulation temporelle : à partir de la génération d’un premier signifiant, l’ordre Symbolique impose sa logique. Dans quelle dimension logique se situe le futur antérieur ?

Dans les Ecrits tout d’abord dans un texte écrit en 1955 appelé Introduction et expressément placé après le séminaire de 1956 sur « La lettre volée ». Ce texte écrit avant et placé après ce séminaire est programmatif des années qui vont suivre : il démontre la prise, l’emprise du symbolique dans la subjectivité humaine par la mise en avant de la construction en logique d’une chaine signifiante, bien loin de tout imaginaire. Il me semble que nous avons là en acte les prémisses de cette question d’une inversion de la temporalité et de son ambiguïté que l’on retrouve dans le futur antérieur où dans l’instant présent je me « remémore » un temps du futur pris dans un moment du passé. Au présent de l’édition en 66 Lacan place dans un futur un moment du passé programme d’un futur encore en devenir auquel il adjoindra le texte Parenthèse des parenthèses écrit en 66.  

Première apparition donc du terme futur antérieur avec la suite des alpha, beta, gamma, delta, dans les Ecrits dont je vous cite le passage [7] qui ramasse à peu près tout de la construction de notre commentaire d’aujourd’hui : « cette suite pourrait figurer un rudiment de parcours subjectif en montrant qu’il se fonde dans l’actualité qui a dans son présent le futur antérieur. Que dans l’intervalle de ce passé qu’il est déjà à ce qu’il projette, un trou s’ouvre que constitue un certain caput mortum du signifiant, voilà qui suffit à le suspendre à de l’absence, à l’obliger à répéter son contour. La subjectivité à l’origine n’est d’aucun rapport au réel, mais d’une syntaxe qu’y engendre la marque signifiante ». 

On a donc un parcours subjectif soit une chaine de signifiants, un acte (de parole) au présent ou un présent en acte, dans un intervalle duquel des lettres venant à se succéder, un trou s’ouvre où tombent certaines d’entre elles qui ainsi s’absentent et obligent à la répétition d’un contournement. Ce peut être la progression d’une analyse.

J’ai donc entendu le futur antérieur chez ce petit garçon et non le conditionnel, (« vendredi Joseph m’a dit…j’aurai pu le dire ») une lettre manque, mais pas n’importe laquelle : ce s au statut d’hypothèse, hypothèse du manque de parole, là où l’enfant se sent coupable en même temps qu’impuissant. J’ai entendu avec J.Bergès   « la trace dans le symbolique laissée par la lettre volée dans son trajet [qui] parcourt le destin du présent jusqu’au futur antérieur [8] ». Ce « jusqu’au » fait entendre un mouvement et l’atteinte d’un but. 

Alors poursuit Lacan « Le programme qui se trace pour nous est dès lors de savoir comment un langage formel détermine le sujet » et d’une démonstration logique de ses petites lettres qu’il machine de Markov [9] ou de Turing une syntaxe procède, surgit d’un réel, au hasard de ce qui n’était pas et démontrant de surcroit que la mémoire n’est pas que la propriété du vivant puisque les chaines conservent la mémoire des symboles et de leur rang dans la série.

Rappelons brièvement qu’à cette époque entre 1950 et 1966 dans l’actualité universitaire, il y avait des recherches sur l’analyse formelle des langues naturelles [10] du côté des linguistes, des chercheurs français et étrangers, venus en particulier du MIT où travaillait Chomsky, à la Maison des Sciences de l’Homme jusqu’à l’Université de Vincennes qui n’ouvre qu’en 68 avec le département de linguistique générale qui reprend toutes ces thèses et ces recherches. Tout se traduit en graphes et en réseaux, la psychanalyse n’y échappe pas.

La logique est donc dans l’air du temps. Ajoutons à cela que le comptage et les mathématiques sont dans notre ADN depuis les battements du cœur du bébé in utéro suivi ensuite de bien d’autres mesures faites au moyen des parties du corps (pouce et pied par ex) ainsi que le rythme engagé par les mouvements de la mère avec ses signifiants et sa parole qui marque le temps sur tous les orifices et les parties du corps intéressées dans le dialogue avec son enfant dont « le corps est une usine à fabriquer du signifiant »… formule bergessienne princeps à ne jamais oublier.

Je ne vais évidemment pas faire de démonstration avec les petites lettres grecques mais je vous conseille de lire dans le Discours Psychanalytique Le graphe par éléments de J. Taillandier [11] et Analyse et algèbre de M. Darmon repris dans son livre au chapitre sur le Graphe [12]. Le premier nous donne l’archéologie du graphe et du signifiant chez Lacan, avec ses avancées, ses retours, ses inversions et inventions dans un subtil questionnement ; le second nous en donne le fonctionnement détaillé qui permet à la lecture du graphe final je dirai d’y prendre, presque un réel plaisir. (Mais ne nous imaginons pas tout comprendre entre les erreurs des uns et les corrections des autres…) 

La suite des « alpha beta gamma delta » figure donc un rudiment de parcours subjectif d’une chaine signifiante abstraite dont la production dans le réel fait émerger une syntaxe c’est-à-dire une loi ; l’ordonnancement des 4 lettres (que l’on peut penser métonymiquement phonèmes) puis dans un 2ème temps de + et de –  (que l’on peut penser comme présence/absence) par groupe de 3 génèrent des régularités, des répétitions, des impossibilités et des trous qui organisent donc cette loi syntaxique : il y a représentation d’un sujet (nous verrons lequel) par un signifiant pour un autre signifiant. 

Disons tout de suite un mot des trous appelés caput mortum (tête morterésidu dans la cornue du chercheur), lettre volée, ou morte que l’on retrouve en plusieurs textes de Lacan et dont j’ai déjà fait état en 1988 lors de Journées de juin à Paris sur La lettre volée ou le palimpseste de Lacan [13] : « De quelle syntaxe le sujet non-lecteur est-il le mémoire ». Pour résumer brièvement ce que j’en disais : à Ste Anne nous avions vu beaucoup d’enfants dont les difficultés de lecture et d’écriture, et donc de langage, étaient considérables à 9 ans passés, ce qui avait entrainé notre recherche sur les non lecteurs. Nous savons qu’entre lecture et écriture il y a des lettres qui ne se prononcent pas bien qu’elles soient écrites, qu’en français par exemple 4 ou 5 consonnes qui se suivent sont impossibles et j’ajoute que le destin des lettres postales entre ces familles et nous était pour le moins aléatoire. Dans cet article je donne beaucoup d’exemples, concluant par « la loi a mauvaise mémoire et le refoulement est désœuvré » pour ce qui concernait ces enfants. 

Peut-on dire que le futur antérieur a temporairement une fonction de palimpseste puisqu’il donne la possibilité de tordre la ligne du temps qui au moment de la torsion ferait se chevaucher, se recroiser passé et futur [14] ? et ce lieu serait-il celui du caput mortum du signifiant ? Lacan ajoute dans son texte sur la cybernétique [15] que « l’être humain n’est pas le maitre de ce langage primordial, primitif. Il y a été jeté, engagé, il est pris dans son   engrenage ». 

Poursuivons notre recherche du futur antérieur et d’un premier signifiant qui nous détermine dans les expressions contenant ce syntagme futur antérieur dans les séminaires.

DANS LES SÉMINAIRES

Dans la leçon 12 des Ecrits techniques [16] Lacan est dans la construction du schéma optique. Et à la toute fin de la leçon il fait référence à un exemple repris justement de la conférence sur la cybernétique [17] « … ce que nous voyons sous le retour du refoulé est le signal effacé de quelque chose qui ne prendra sa valeur que dans le futur, par sa réalisation symbolique, son intégration à l’histoire du sujet. Littéralement ce ne sera jamais qu’une chose qui, à un moment donné d’accomplissement, aura été ». Et voilà, il nous laisse là, le chapitre se clôt sur ce futur antérieur : est-ce le signal effacé de l’instant de voir ? Le signal effacé qui marque la fugacité peut-être de ce moment d’emploi du futur antérieur ? Mais cessons-nous jamais de compter avec cette suite de lettres ? Une patiente me disait hier soir à propos d’un rêve « qu’elle était dans une grande pièce vide au milieu de laquelle il y avait un petit tas (sic) de débris, papiers, lettres, dont elle ne pouvait plus rien faire… ». J’y entendais le fameux caput mortum du signifiant et elle y entendait un rêve de fin d’analyse. 

Dans la leçon 14 de La relation d’objet [18]  à l’étude l’an dernier donc plus frais dans nos mémoires… Cette leçon reprend l’Introduction des Ecrits et la distribution des + et des – qui démontrent qu’un ordre de lettres entraine un ordre de production des suivantes dans la succession temporelle. Démonstration clinique de cette floculation de signifiants faite dans mon article sur la petite Sandy [19]

La démonstration mathématique de Lacan n’est pas faite pour montrer que le hasard est commandé mais que « la loi sort avec le signifiant, intérieurement, indépendante précisément de toute expérience [20] ». Cette démonstration est faite pour éliminer certains éléments intuitifs comme les scansions, la ponctuation, la poésie en quelque sorte pour ne prendre en compte que la notion de O ! DéDé … vous savez ce terme anglais « odd » intraduisible, qui signifie à la fois la dissymétrie, l’impair, le boiteux (termes de Lacan dans lesquels nous entendons le rapport de mesure, le pari, l’œdipe… RSI peut-être) ; elle est faite pour limiter la création et la définition à un strict élément, marquer les éliminations au 2è et 3è temps (le caput mortum), montrant ainsi ce qui se « précipite » dans un futur immédiat, à partir du moment où il devient par rapport à un but, le futur antérieur. Répétons-le donc : La syntaxe est organisatrice de la loi…

Et en particulier de la lettre : dès qu’il y a graphie, il y a orthographe ajoute Lacan et c’est là où il aurait pu, « j’aurai aussi bien pu faire, dit-il, en distinguant l’anapeste du dactyle » [21].

Nous voyons tout de suite ce que cela veut dire… Ce sont des termes de rhétorique grecque, nous sommes dans la métrique, les règles, le rythme, toutes règles régissant le temps qui se marque, se frappe, que l’on entend… Deux termes grecs de métrique dans la versification dont on pourrait croire que les deux s’annulent par leur contexte sémantique étendu et contradictoire mais en fait, ils ne sont différents que parce que dans l’un des deux, deux pieds sont plus légers… vous voyez quand même que la preuve de la syntaxe faisant loi n’est pas facile à faire… même en grec… ou bien ce sont les maths ou bien le grec…

Quant à l’orthographe, c’est à dire le contrôle d’une lettre, d’une faute… dans l’analyse c’est avec le signifiant que nous entendons la réalité des conflits.

Dans la leçon 4 du désir et son interprétation [22] Lacan prend l’exemple du bon vieux flipper pour distinguer désir et plaisir : une machine à sous et la bille qui doit tomber dans le bon trou : le processus primaire vise à retrouver un objet par la voie (« d’une Vorstellung réévoquée ») d’un premier frayage et l’allumage donne droit à une prime : le principe de plaisir. La machine (encore une) est celle du joueur au moment où il joue, au moment où il rêve, par exemple le rêve d’Anna Freud articulé à haute voix par la rêveuse : c’est une écriture en palimpseste nous dit Lacan ; une série de nominations marquées du NON : tout ce qu’elle désire et donne du plaisir est interdit, message en tête puisqu’elle articule son nom. Nous sommes dans le graphe développé reproduit ci-après. C’est la structure du signifiant dès que le sujet s’y engage : deux chaines superposées : dans l’inférieure la demande, l’interjection ; dans la supérieure le sujet qui parle et se compte et entre dans le jeu signifiant « floculé » dans un empilement [23] et Lacan fait remarquer la nécessité du futur antérieur pour autant qu’il y a deux repérages du temps :

– celui concernant l’acte dont il va s’agir dans l’énoncé (mon désir de manger ce qui me fait plaisir)

– et parce qu’on l’exprime au futur antérieur (les paroles articulées du rêve) c’est au point actuel d’où je parle, de l’acte d’énonciation qui me repère en même temps que le sujet que je suis doit refouler son désir.

Il y a donc deux sujets, deux JE ; deux lignes dans une grande duplicité où la ligne du l’énonciation est visée car « comment censurer la vérité du désir qui est une offense à l’autorité de la loi » ? cette impossibilité se repère d’une tension marquant une différence de temps entre les deux lignes. (Rappelons la chaine intentionnelle du premier graphe simple, qui coupe à rebours la chaine signifiante  [24]). Le désir en acte doit refouler le plaisir à venir et déjà acté puisque c’est la diète à laquelle elle est soumise qui provoque le rêve. Le futur antérieur est-il ici un mouvement articulatoire au cours du sommeil ? 

Cette question des sujets m’a fait consulter Emile Benveniste [25], que dit –il ?

« Très généralement la personne n’est propre qu’aux positions je et tu (uniques, inversibles) ; la 3ème l’absent, exprimé ou non ne fait qu’ajouter en apposition une précision jugée nécessaire pour l’intelligence du contenu non pour la détermination de la forme, c’est un invariant non personnel ». Dans le futur antérieur, y aurait il seulement je et il ?

Il ajoute que pour ce qui est de l’antériorité, elle se détermine toujours et seulement par rapport au temps simple corrélatif (…) elle crée un rapport logique et intra linguistique, elle ne reflète pas un rapport chronologique qui serait posé dans la réalité objective : l’antériorité intra linguistique maintient le procès qui est exprimé dans le même temps par la forme corrélative simple. C’est une relation temporelle syntagmatique. C’est là une notion propre à la langue, originale [« odd » ?, c’est nous qui questionnons] au plus haut point, sans équivalent dans le temps de l’univers physique ».

J’ai été très étonnée de constater la proximité de vues entre Lacan et Benveniste. La forme d’antériorité ne porte par elle-même aucune référence au temps. Elle est un opérateur logique. 

Pour ne pas alourdir notre exposé et finir notre recension des séminaires nous allons regrouper la leçon du 9 mai 62 de L’Identification [26] et la leçon du 27 novembre 68 D’un Autre à l’autre [27]C’est le fonctionnement du graphe qui est commenté simplement : « il a pour fonction d’inscrire ce qu’il en est de la chaine signifiante pour autant qu’elle ne trouve son achèvement que là où elle recoupe l’intention au futur antérieur qui la détermine ». 

Il reprend les petites lettres grecques de la chaine signifiante avec les effets de rétroaction, d’anticipation. Il insiste sur l’homologie [28] qui n’est pas analogie [29] souligne-t-il, homologie car « le trait de ciseau du discours taille dans la même étoffe » : nous voyons dans le graphe complet, le dépliement d’un sujet en acte, en devenir ; l’écriture du fantasme $<>a dans la partie gauche et haute de l’Imaginaire et i(a) à l’étage inférieur droit sont en position d’homologie, ainsi que les 2 trajets  m.i(a) en bas et $<>a.d en haut : « Le fantasme a une fonction homologue à celle de i(a), du moi idéal, mais cette fonction a une dimension qui anticipe la fonction du moi idéal : c’est par une sorte de retour – en court-circuit par rapport à la menée intentionnelle du discours considéré comme constituant à ce premier étage du sujet – qu’ici, avant que signifié et signifiant se recroisent, il ait constitué sa phrase, le sujet imaginairement anticipe celui qu’il désigne comme moi ».

Le sujet qui pour advenir doit parcourir tous les trajets. Nous sentons bien qu’une topologie plus complexe se prépare qui n’en resterait pas à un « mouvement de succession, à la cinétique signifiante » ainsi que le dit Lacan. 

« Le je littéral dans le discours n’est sans doute rien d’autre que le sujet même qui parle, mais celui que le sujet désigne ici comme son support idéal c’est à l’avance, dans un futur antérieur, celui qu’il imagine qui aura parlé : il aura parlé ». Ce il est-il cet invariant syntagmatique décrit par Benveniste ? On retrouverait cette opposition je/il dans le futur antérieur. 

La dynamique temporelle est donnée par l’effet rétroactif majeur des deux chaines qui se recoupent et font dire à Lacan « il aura été », la phrase ne se bouclant qu’une fois arrivée à sa fin.

Alors ce sujet toujours évanouissant cherche-t-il sa vérité parce qu’en rapport avec l’autre ou est-ce pure jouissance d’un automatisme articulatoire ? Ainsi que le dit C. Melman [30] « moi la vérité je parle, je suis pure articulation pour votre embarras… » Y aurait-il une jouissance du futur antérieur en rapport avec ce grand Autre vide de sens ? 

POUR CONCLURE EN FORME DE QUESTIONNEMENT 

La syntaxe comme loi organisatrice de ce qui est dissymétrique, impair, boiteux  fait émerger le signifiant, signifiant qui se répète et fait trou sous certaines conditions qui produisent un caput mortum et signifiant doté d’une mémoire purement symbolique. 

Le futur antérieur dont nous avons remarqué la fugacité, comme un trait d’esprit nous échappe à travers le leurre qui nous poinçonne de l’enfance, dans le fantasme en construction. Mais alors de quel sujet s’agit-il ? Un encodage qui délivre des messages eux-mêmes formatés dans la temporalité de la vie de l’individu ? On comprend mieux le terme de shifter élu par Lacan pour dire je (dont l’une des nombreuses traductions est « machiniste »), indice indicateur d’un parlêtre particulier. 

J. Bergès propose l’élaboration du « deuil articulé aux failles de l’anticipation que l’on pourrait spécifier de deuil du futur antérieur ». Peut-on considérer comme failles le refoulement pour l’inconscient, le leurre dans la constitution du sujet, le caput mortum dans le grand Autre où tombent les lettres mortes ou qui s’absentent ?

Nous entendons l’ambiguïté de l’expression « deuil du futur antérieur » : est-ce le futur antérieur qui est en deuil (d’une lettre, par ex le s qui abolit le conditionnel), qui fait un deuil, ou l’être humain qui doit renoncer aux promesses qu’il s’est faites ou qu’on lui a fait ? Le sujet pour Lacan n’est ni le sujet psychologique ni celui de la grammaire mais le sujet du désir dans la langue et dont nous constatons dans l’analyse les remaniements. C’est un « effet du langage qui ek-siste (il se tient hors de) au prix d’une hypothèse sur la différence des sexes, d’une perte, de la castration ».

Le futur antérieur peut-il se retrouver à l’état de trace dans La Verneinung ou comment déjà le refoulement originaire aurait anticipé son retour sous forme de création de la négation d’une affirmation ? 

Nous le retrouvons dans le stade du miroir où la parole de la mère réalise par ses commentaires la jubilation anticipatrice c’est-à-dire les mouvements désordonnés du corps de son bébé ; le futur antérieur se retrouve dans le jeu du fort/da créateur d’un sujet dans un mouvement répété d’aller et retour où /da/ marque la présence de la bobine mais l’absence de la mère alors que son rejet /fort/ de ne plus la voir le fait avoir. Le sujet n’est ni celui qui est désigné ni celui qui désigne et Lacan invoque la barre du lit qui oblige le signifiant à redoubler son effet pour être entre je-moi et elle.

Le futur antérieur est-il la marque d’un caput mortum, lui-même marque de la pulsion de mort qui surgit quand on ne l’attend pas en tant que la lettre qui fait trou est ainsi messagère de mort mais peut réapparaitre ailleurs et ponctuer alors la vie d’un lieu de message sur un code : celui de la mort, limite qui organise la vie.

Dans la dépression de l’enfant le sujet est pris dans la modalité du futur antérieur : « j’aurai pu… » qui porte sur quelque chose que je sais déjà.  Le futur antérieur est-il un temps d’opération dans l’ordre du symbolique, un temps obligé dans la construction d’un sujet de l’inconscient lié à un temps de mouvement, de passage à la perte ? Nous le pensons comme un opérateur logique, un temps de l’inconscient. Et J. Bergès de conclure : « Le futur antérieur fonctionne comme une création signifiante : c’est pour le grand Autre que les choses se passent ainsi ».

[1] Le Bescherelle 1, l’art de conjuguer, Ed. Hatier Paris 1980.

[2] J. Bergès, Le corps dans la neurologie et dans la psychanalyse – Leçons cliniques d’un psychanalyste d’enfants, Ed. Erès, 2005, p.50.

[3] Tel est le titre du l er chapitre de L’enfant et la psychanalyse, de J. Bergès et G. Balbo, Ed. Masson, 1994.

[4] (Soulignons ici un petit problème : la liaison qui se fait entendre entre la négation et l’auxiliaire et qui n’a rien à voir avec la désinence verbale du futur antérieur : est-elle la résurgence d’une pointe de conditionnel ?)

[5] Jacques et Edouard Pichon, Des mots à la pensée, Essai de grammaire de la langue française, 1911-1936, tome 5 sur 8, Le verbe, éd. D’Artray.

[6] Philippe Sollers, discours Parfait, p.338-341, Passions de Lacan.

[7] J. Lacan, Ecrits, Ed. Du Seuil, p.50.

[8] J. Bergès, Le Trimestre Psychanalytique, La lettre volée ou le palimpseste de Lacan, Lettre et symptôme « la lettre ça me regarde » ; Publication de l’Association freudienne, 1989 n°2, p.17.

[9] Machines abstraites que l’on appelait automates à état fini (état fini = expression rationnelle) d’après Chomsky (1950)

[10] N. Chomsky et g. Miller « L’analyse formelle des langues naturelles », trad. 1968, Ed. Gauthier Villars, Paris et M. Gross et A. Lentin « Notions sur les grammaires formelles » 1967 même éditeur.

[11] Le Discours Psychanalytique n°1 d’octobre 1981, Le graphe par éléments de J. Taillandier.

[12] M. Darmon, Essais sur la topologie lacanienne, Ed. Association Lacanienne Internationale, Le Graphe, p. 161.

[13] Le Trimestre Psychanalytique n°2, « De quelle syntaxe le sujet non-lecteur est-il le mémoire » page 63 à 75 non répertorié au sommaire, juin 1988, Paris, Journées sur La lettre volée ou le palimpseste de Lacan. 

[14] Je fais référence à une bande de Moebius (une bande de papier dont on recolle les deux bouts après retournement pour obtenir un 8).

[15] Lacan, Séminaire II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Conférence Psychanalyse et cybernétique, Ed. Seuil, p.339.

[16] Lacan, Séminaire 1 les Ecrits techniques de Freud leçon 12 du 7 avril 1954.

[17] La cybernétique, op.cit.

[18] Séminaire IV La relation d’objet, leçon 14 du 20 mars 1957, Ed. ALI, 2018, tome 2.

[19] C. Ferron, La petite Sandy, phobie et mythe coté fille, aout 2019, site de l’ALI.

[20] La relation d’objet, op. cit.p.19.

[21]A. Rey, Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Paris 1993.

L’anapeste c’est frapper à rebours ; un pied est composé de deux brèves et d’une longue. Le dactyle (de dactylos : doigt, allusions aux 3 phalanges) est composé d’une longue et deux brèves ; on pourrait croire que les deux s’annulent quoique dans l’un des deux, deux pieds sont plus légers… En effet comment les distinguer ? si ce n’est peut-être ­– car je n’en ai pas cherché la preuve – en se souvenant que ana est (un recueil de pensées) emprunté au grec et correspond à 3 sémantèmes : de bas en haut, en arrière ou en sens inverse, de nouveau (répétition donc). Nous sommes devant les signes cabalistiques d’une partition musicale…

[22] Lacan, Séminaire VI, Le désir et son interprétation, leçon 4 du 3 décembre 1958, p. 76.

[23] Graphe p. 817 des Ecrits.

[24] Graphe p. 805 des Ecrits.

[25] E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale 1, structures des relations de personnes dans le verbe, p230 et 247.

[26] Séminaire 9 l’identification 9 mai 62 (P218 de la version Michel Roussan) et p 284 version Ali 1995.

[27] Séminaire 16 d’un Autre à l’autre 27 novembre 1968 JAM p.50.

[28] Homologie : en mathématique qui est en harmonie, qui se correspond exactement dans un rapport de forme, de fonction, d’activité.

[29] Analogie : : en lexicographie (1949) relation sémantique entre unités lexicales ; en mathématique : dérivé de analogos (proportionnel), qui s’applique strictement à l’identité des rapports entre les termes de deux ou plusieurs couples d’éléments.

[30] Le Trimestre Psychanalytique n°2, op.cit. p.24.

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– Auteur : FERRON Catherine  
– Titre : De quoi le futur antérieur est-il le nom?  
– Date de publication : 06-03-2020
– Publication : Collège de psychiatrie
– Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=190

Présentation « un divan aux urgences psychiatriques »

UN DIVAN AUX URGENCES PSYCHIATRIQUES

Considérations cliniques et psychanalytiques de Bernard DELGUSTE

 
Se rendre – de gré ou de force – aux urgences psychiatriques est un acte chargé pour un patient (et pour son entourage), et il en est de même pour le clinicien qui va à sa rencontre. Du focus très resserré sur la dynamique psychique du patient que permet la salle d’urgence, le clinicien, témoin de ce surgissement inhabituel, aura la responsabilité d’en faire un certain usage, au mieux si possible, et toujours uniquement avec les moyens du bord. Pour cela, il devra s’appuyer sur un savoir psychopathologique mais aussi sur un engagement personnel – savoir et engagement discutés et partagés avec les collègues et soutenus par l’institution hospitalière à condition que cette dernière se montre sensible à l’inouï que cette parole contient.

Lien vers l’éditeur

Présentation « un parcours d’écriture(s) »

UN PARCOURS D’ÉCRITURE(S)

 
Freud avait pu dire que ce qui s’était noué par la parole, en faisant écriture par le symptôme, était suceptible de se dénouer par les mêmes voies dans le travail analytique… Ceci suppose alors que dans la parole circule, à l’insu de l’analysant, de l’écriture et que celle-ci, et c’est tout l’objet d’un travail analytique, peut y retrouver son statut signifiant. Par ce biais se pose la question de la nature de l’écriture, insconsciente. Celle qui se tisse notre réalité et organise notre fantasme.

Toutes ces questions restent des questions d’actualité. Et si, en suivant Freud, les lois qui organisent notre vie psychique et celles qui organisent la vie sociale ne peuvent être que les mêmes nous prenons toute l’importance d’un tel travail. 

Cet ouvrage rassemble quelques-uns des textes écrits, toujours dans l’après-coup, d’une intervention orale, depuis les toutes premières, avec les maladresses et leurs répétitions, jusqu’aux dernières. Ils sont le produit d’un enseignement oral tenu dans le cadre du séminaire déplié sur de nombreuses années, ou d’un enseignement clinique par le biais des présentations cliniques.

Michel JEANVOINE, né en juillet 1946, médecin, psychiatre, psychanalyste, est membre, depuis sa fondation en 1983, de l’Association Freudienne, puis de l’Association lacanienne internationale. Il anime, également, avec quelques autres le travail du Collège de Psychiatrie fondé dans les suites des Etats Généraux de la Psychiatrie à Montpellier en 2003. 

Présentation par Michel Jeanvoine « Scènes de la vie psychiatrique ordinaire »

Scènes de la vie psychiatrique ordinaire.

À mots passants…

Introduction

L’idée d’une rubrique « Scènes de la vie psychiatrique ordinaire » m’est venue au cours de discussions du comité de rédaction du Journal Français de Psychiatrie où il était question des illustrations du journal, qui se voulaient incisives et insolites : pourquoi, alors, ne pas faire des croquis de situations prises sur le vif, dans lesquels les praticiens, les divers intervenants en psychiatrie, voire tout un chacun, pourraient se retrouver à des niveaux de lecture différents ?

Aussitôt, a surgi la pensée à la fois pertinente, nostalgique et saugrenue, que je n’aurai jamais le talent d’un Guy de Maupassant, un des auteurs que j’admire le plus, pour mener à bien ce genre de projet.

Maupassant ? Mais… C’est au fil des mots… C’est à « mots passants » que l’on se forge à cette praxis qu’est la psychanalyse ! C’est ainsi que l’on repère les signifiants qui nous construisent, nous façonnent et orientent nos propos ! Dans cette affaire, c’est bien mon analyste qui fut et reste mon « gui-de » ! Eh bien donc, qu’hommage soit rendu à mon « guidemotpassant » !

Je tins donc la gageure de contribuer modestement au JFP par ces petits écrits.

En effet, les professionnels y retrouvent une clinique vécue par delà les cadres nosographiques qu’ils y repèrent ; les sujets en scène se côtoient et se sollicitent les uns les autres, avec la surprise d’être pris dans une logique que, depuis l’enseignement de Jacques Lacan, nous appelons la logique du signifiant.

Les profanes, quant à eux, y expérimentent, avec une vision congruente à celle des professionnels, que la clinique est inséparable de la société dans laquelle nous vivons et même qu’elle s’y constitue.

Cela signifie que, pour toute personne humaine, il s’agit d’une articulation langagière dans un environnement social particulier ; seuls les mots ont de l’esprit et les signifiants véhiculent le savoir du sujet de l’inconscient.

Le champ de la psychiatrie et celui de la psychanalyse, s’ils ne se recouvrent pas exactement l’un l’autre, ne peuvent être dissociés car tous deux ont à faire à cet être bizarre à la fois unique et extrêmement répandu qu’on appelle l’être parlant.

Chaque acteur est pris indissociablement dans les processus psychiques qui lui sont propres et ceux sur lesquels il est censé agir. Ces processus ont la particularité d’être gouvernés par l’inconscient que d’aucuns, dont Charles Melman, fondateur du journal, disent être du social.

Pourtant, même si la présence de l’inconscient est éminemment partagée par chacun, les places occupées par les sujets en question ne sont ni identiques ni symétriques suivant les situations en scène. Celui qui prend la responsabilité de s’exercer à la clinique acquiert un pouvoir sur autrui, qu’il soit médecin ou psychanalyste, pouvoir qui ne s’évalue que par l’intensité du transfert qu’il suscite. Pouvoir et transfert sont les deux aspects d’une place à l’épreuve de laquelle le sujet pris dans une structure va se trouver plongé ; malgré qu’il en ait, s’il ne sait pas sur quoi se fonde son acte, mais averti de sa charge et de ses ressorts s’il en a lui-même éprouvé les effets durant sa propre analyse.

Nicole ANQUETIL

 

A CROQUER !

Nicole Anquetil vient de nous proposer aux éditions Érès, avec une préface de Charles Melman, un petit livre épatant intitulé Scènes de la vie psychiatrique ordinaire. Un petit livre qui a su – et Dieu seul sait par quels mystères ! – me mettre en appétit. Ce livre, qui traite de la clinique psychiatrique et de la place du psychiatre dans le social d’aujourd’hui, a su faire de ces questions une seule et même question : mettre le lecteur en appétit. C’est-à-dire le solliciter dans son désir de lecteur. Comment mieux nous faire entendre que cette clinique, que ce social, est une affaire de désir, sinon en venant toucher celui du lecteur qui accepte le pari d’entrer dans cette partie ?

Comment un tel miracle est-il possible ? Et dans quelle marmite magique tombe le lecteur innocent (?) qui feuillette nonchalamment ce livre ? Un livre un peu particulier puisque celui-ci n’a pas de début ni de fin. En effet on peut le lire au hasard et jouer le jeu de l’errance : c’est par là que le charme opère. C’est là mon seul conseil de lecture : se laisser prendre à cet au-delà de la signification. Un au-delà habité par quelque chose du trait capable de faire de chacune de ces scènes Une scène à chaque fois singulière et pourtant capable, de par l’effet de série, de hisser chacune de ces scènes singulières au rang de paradigme. Et cet effet, lié au trait, s’en trouve redoublé par celui de l’illustration qui court comme un contrepoint à chacune de ces aventures cliniques. Cette opposition, entre le trait de l’illustration et ce trait qui fait de chacune de ces scènes Une scène, prend le lecteur à ce tour de force qui consiste à faire entendre, dans l’au-delà de ce tragique, le lieu vide d’une vérité qui parle. Il y a là comme une étoffe, sans début et sans fin, où, de cette toile et de ses entrelacs, sourd cette dimension de la vérité qui, comme dans le mot d’esprit, se proposerait un instant à la saisie en nouant la vie à la mort. Ce livre traite, en acte, du paradoxe et de la vérité. C’est un livre d’art, de poésie. Et un livre rare.

JEANVOINE Michel


Résumé – présentation

Au fil des parutions du Journal français de psychiatrie, Nicole Anquetil a dressé de petits tableaux incisifs, parfois déroutants, souvent inattendus, de situations psychiatriques. Pour notre plus grand plaisir, les voici rassemblés, enrichis de nombreux inédits et accompagnés des gravures et dessins de Laurence Teboul qui nous en livre une interprétation artistique. Qu’elles se déroulent dans l’hôpital, dans un centre médico-psychologique, dans un cabinet privé ou même dans la rue, ces scènes prises sur le vif sont directement en relation avec le paysage social. 

Elles témoignent, au-delà du champ de la pathologie, de notre expérience commune de la difficulté de vivre. La clinique du psychisme ne peut se passer ni de l’écoute ni du transfert, avec les surprises qu’ils engendrent du fait d’être gouvernés par les lois du signifiant, étoffe et production de l’inconscient. Psychiatrie et psychanalyse, depuis Freud et Lacan, ne peuvent que déployer et enrichir leurs entrelacs dans le questionnement clinique que nous vivons aujourd’hui.

 

Préface

Le croquis n’est pas une forme consacrée des ouvrages de psychiatrie. On devine qu’après cette brillante publication il risque d’en devenir une forme obligée.

Ce sera pour le bien de tous, car il constitue cette situation rare où l’instant de voir se confond avec le temps pour comprendre et sollicite l’urgence du moment de conclure. Autrement dit chacun y révèle, comme nulle part ailleurs, les limites de son acuité et la pertinence de son talent ; et ce dans un domaine où le fou est en compétition avec son observateur, au risque, si bien évité ici, de le montrer inégal.

Car ce qui retranche le fou de la société ce n’est pas, cher Michel Foucault, de faire défaut à la raison mais bien de manquer au service de la jouissance commune, qu’il s’agisse du travail ou de la b…

La question alors n’est pas tant de savoir où le mettre que de lui inventer une place, l’asile, ou à défaut le ranger parmi celles qui nous sont familières.

Après l’hôpital, c’est aujourd’hui la prison. C’est bien normal puisque de la loi nous ne connaissons plus que celle du Code civil. L’inconscient devient ainsi une infraction et la geôle un lieu thérapeutique idéal (textuel dans un rapport récent sur la psychiatrie).

Les remarquables croquis ici publiés vont permettre de ce démontrer si la folie ne va pas être l’ultime refuge des expressions de l’esprit et des contraintes de la raison. Espérons qu’elles ne vont pas trop perturber un personnel pénitentiaire et sanitaire qu’il faudra placer sous neuroleptiques.

La référence au délicieux Maupassant ne pourra plus alors suffire. C’est le vitriol des auteurs les plus enragés qui sera recommandé.

Par la grâce de ses croquis, Nicole Anquetil rétablit avec le fou le plus estimable des échanges, devenu rare, le plaisir de la conversation. Qui sait ? Peut-être est-ce lui qui aura la charge de la conserver.

Charles MELMAN

Acte des colloques, FEVRIER 2019, Clinique de la temporalité?

Une clinique de la temporalité ? 

 

Collège de Psychiatrie 

Février 2020

à l’Hôpital Henri EY 

15, Avenue de la Porte de Choisy-Paris 75013

 

Comment aborder, aujourd’hui, la question du temps, mieux, celle de la temporalité, dans notre clinique? Nous avons l’intuition, comme beaucoup de cliniciens, et ceci depuis très longtemps, voire depuis l’aube de la clinique, que cette question est centrale. Et cependant nous restons très embarrassés. Embarras qui mérite d’être pris au sérieux et qui participe de la question.  En effet avancer sur ce fil suppose, pour nous, faire un pas dans nos repères cliniques. 

Si notre réalité est bien organisée par notre fantasme, celle-ci relève d’un lien, d’une solide articulation ou nouage, qui distribue temps et espace. Cependant cette articulation ne va pas de soi puisque la clinique des psychoses nous enseigne qu’un dénouage est possible. Il nous faudrait alors pouvoir un instant s’arrêter sur les conditions d’un tel nouage. LACAN nous a proposé, d’une manière anticipée en 1945, quelques-uns de ses éléments de réponse avec la solution du temps logique qui noue temps et espace en même temps que sujet et collectif. Il en suivra le fil renouvelé tout au long de ses séminaires jusqu’au « Moment de conclure ». Dans cette première journée, autour de cette question, nous prendrons le temps de la clinique en balisant notre champ. Aussi bien du côté des psychoses avec les singularités que nous aurions à relever que celle de la névrose avec d’autres singularités, cette fois-ci, dans la mise en jeu de l’espace et du temps. 

Mais pas seulement, il nous faut relever, en effet, l’embarras spécifique des philosophes sur ce point et les impasses auxquelles ils se trouvent ainsi introduits. Cette journée est une introduction à cette question cruciale et inaugure un cycle, une nouvelle séquence de travail avec cette question : y aurait-il une clinique de la temporalité?   

Comité d’organisation : ANQUETIL Nicole, BELOT-FOURCADE Pascale, BENRAIS François, BLANADET Françoise, CAMPION-JEANVOINE Martine, DAUDIN Michel, FROISSART Josiane, GARRABE Jean, JEANVOINE Michel, MOINS Pascale, PONT-MONFROY MarieHélène.

 
Samedi 1er février 2020

9 heures 30 – 12 heures 30

Président de séance : Jean-Jacques LEPITRE

Discutants : Marie-Hélène PONT-MONFROY et Bernard DELGUSTE

9 heures 30 : – Michel JEANVOINE : « Une lecture du « Temps logique » de J. LACAN. Remarques et conséquences. »

11 heures 15 : – Alain HARLY : « Remarques cursives sur la temporalité dans la perversion. »

14 heures 30 – 17 heures

Président de séance : Michel JEANVOINE

Discutants : Josiane FROISSART et Pascale MOINS

14 heures 30 : – Marie WESTPHALE : « L’automatisme mental : à travers un cas clinique et les apports de DE CLERAMBAULT. »

16 heures : – Gérard POMMIER : « L’espace-temps résolu dans la séance. »

Dimanche 2 février 2020

 9 heures 30 – 12 heures 30

Président de séance : Martine CAMPION-JEANVOINE

Discutants : Marika BERGES-BOUNES et Alain HARLY

9 heures 30 : – Catherine FERRON : « De quoi le futur antérieur est-il le nom ? »

10 heures 30 : – François BENRAIS et Josiane FROISSART : « Ce n’est pas ce que j’ai dit. »

11 heures 45 : – Michel DAUDIN : « Comment « être de son temps » ? »

14 heures 30 – 17 heures

Président de séance : Michel DAUDIN

Discutant : Françoise BLANADET et Martine CAMPION-JEANVOINE

14 heures30 : – Nicole ANQUETIL : « Temporalité signifiante du sujet. »

16 heures : – Christiane LACOTE-DESTRIBATS : « De quelle manière les psychanalystes peuvent-ils apprendre des poètes et des écrivains sur le temps ? »

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De quoi le futur antérieur est-il le nom?
FERRON Catherine
 
L’automatisme mental: à propos d’un cas clinique
WESTPHALE Marie
 
Temporalité signifiante du sujet
ANQUETIL Nicole
 
Il était une fois … un pére.
FROISSART Josiane
 
Comment « être de son temps »
DAUDIN Michel
 
Une lecture du « Temps logique » de J. LACAN
JEANVOINE Michel
 
L’espace-temps résolu dans la séance 
POMMIER Gérard
 
Ce que les écrivains et les poêtes enseignent aux psychanalystes
LACÔTE-DESTRIBATS Christiane
 
« C’est pas ce que j’dis »
BENRAIS François
 
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AUTRES TEXTES 

 
Temps et temporalité : Phénoménologie et psychopathologie du temps.
GARRABE Jean
Le temps logique
PONT-MONFROY Marie-Hélène
« Le point-maison » ou « Comment j’ai pu tramer ma réalité »
JEANVOINE Michel