Question de responsabilité
Le temps est lointain où les attaques portées contre la psychiatrie interrogeaient légitimement la validité de son champ. Elles visent aujourd’hui sa définition même en programmant sa disparition par le glissement sémantique qui, par décret, la transforme en santé mentale. On ne touche pas impunément à la sémantique et les divers jeux de substitution à l’œuvre témoignent de cette tentative pour récuser l’existence de la folie. C’est le lieu même où s’élaborait la clinique, celle qui spécifie la psychiatrie, qui s’en trouve invalidé et déplacé ; ainsi l’impasse faite aux textes classiques et à leur cohérence… Destruction de la psychiatrie, déni de la folie : ravissement propre à exalter et réaliser le rêve d’un citoyen idéal, normé, silencieux, heureux, …nettoyé.
Supprimer le mot supprimerait-il la chose ? Supprimez la psychiatrie et vous supprimez la folie !
Au long effort de la psychiatrie pour qualifier le champ singulier de la folie, la santé mentale y substitue un « prêt-à-porter » pseudo-scientifique où la fonction du praticien se voit déterminée par anticipation : officier de santé publique soulagé de sa propre responsabilité, au service d’un programme-protocole-consensus étranger aux enjeux de cette rencontre singulière, étranger à la dimension essentielle du transfert !
A quel nouvel ordre sert ce « santémentalisme » ? A quel nouvel ordre sert cette mystification qui ne se veut soucieuse que d’un « Bien » dont la définition resterait à écrire cependant que l’histoire récente nous enseigne de ce qu’il est fait en son nom.
L’expérience de notre pratique démontre que le symptôme n’est pas simplement un défaut à éradiquer mais un mode d’expression par où un sujet se manifeste.
De la même manière que les Pouvoirs Publics sont nécessairement préoccupés de santé mentale, le psychiatre, comme le médecin, se doit d’être avant tout préoccupé de la clinique du singulier.
La destruction programmée de la psychiatrie ne s’avère-t-elle pas paradigmatique du délitement du lien social comme d’autres praticiens (champ social, enseignement, éducation, justice) en perçoivent l’écho dans leurs propres disciplines (majoration des phénomènes ségrégatifs, incarcération de malades mentaux avérés, …) ?
A ce titre nous alertons les professionnels de la psychiatrie, comme l’ensemble des professionnels de santé, que ce démantèlement traduit plus largement l’érosion de la place de chacun dans la cité.
La façon dont une société traite la folie n’est-elle pas révélatrice de son dispositif politique ?
Si les psychiatres taisent ici leurs responsabilités que deviendront celles du citoyen ?
Element pour un Manifeste du Collège de Psychiatrie et diffusé par quelques uns aux Etats Généraux de la Psychiatrie de Montpellier des 6,7 et 8 juin 2003.
Ce Collège répond à des constats préoccupants quant à l’orientation de la psychiatrie actuelle. Au moment où la psychopathologie est déterminée à partir des effets médicamenteux, où la maladie mentale peut-être réduite à un déficit ou à un dysfonctionnement cérébral, ou bien encore rapportée à une classification symptomatique, il est important de contribuer à promouvoir un espace de recherche clinique en psychiatrie fondé sur les études traditionnelles d’observation au cours des entretiens, et d’en assurer la transmission…
Des séminaires régionaux et les journées d’études régionales et nationales seront annoncées régulièrement sur le site internet. Aussi, des groupes de recherches vont s’organiser par régions sur des thèmes proposés par les responsables.
Des démarches se sont engagées pour l’agréement de notre association en tant qu’organisme de formation auprés du Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Bonne lecture …