Actualisation, avec Jacques Lacan, 

de « Massenpsychologie und Ich-analyse »

OU
Quelle lecture faire, aujourd’hui, de notre social ?

Michel JEANVOINE

 
 

Mercredi 22 mars 2023 

WEB’ SEM’ du Collège de Psychiatrie

Leçon 1

Voilà un premier titre, avec « Actualisation, avec Jacques Lacan, de « Massenpsychologie et analyse du moi », et un deuxième, « Quelle lecture faire, aujourd’hui, de notre social ? ».

Deux titres pour un séminaire, ce qui signe un certain embarras. De fait ce projet est ambitieux, très ambitieux, trop ambitieux ?

Et c’est seulement, encouragé par mes amis et collègues que j’ouvre cette première soirée.

J’ai usé du terme de séminaire. En effet un séminaire n’est pas une conférence sur tel ou tel sujet. Le discours qui le soutient n’a pas les mêmes coordonnées qu’un discours universitaire qui place au commandement un savoir. Un savoir dont le destin serait, alors, de se dupliquer.

Ici, avec un séminaire, c’est de ses échos, embarras, butées rencontrées, que celui-ci va se nourrir, se développer, se déployer, se réinventer. Il s’agit là, et vous l’entendez certainement, de tout autre chose, il s’agit là d’un enseignement qui met chacun au travail, à sa manière, depuis la place où il se trouve, en ouvrant la porte à l’éventuelle surprise.

C’est pourquoi, de fait, avec ces quelques-uns qui m’ont encouragé à faire ce pas, ce séminaire ne pourra qu’être à multiples voix.
Et il revenait, tout spécialement, au Collège de Psychiatrie, de faire une place à ce travail d’interrogation de notre social d’aujourd’hui.

En effet sa transformation, son évolution, voire ses mutations, nous questionnent. Celles-ci se présentent nombreuses, diverses,multiples.

Et pourtant s’il nous faut interroger cette diversité, cette variété, notre lecture aimerait pouvoir en dégager un ressort et une logique. Nous restons freudiens, et avec J. Lacan non seulement des médecins, psychologues,… mais aussi des analystes et de cette lecture ordonnée nous nous faisons un devoir. Comment pourrait-il en être autrement ?

Ceci avait déjà été le projet de Freud avec son travail sur « Massenpsychologie et analyse du moi ». Déjà pour lui, à cette époque, les lois de l’inconscient et celles qui organisent la vie collective étaient les mêmes . Et il lui avait fallu essayer d’en rendre compte. Ce qu’il fait à sa manière. Et Jacques Lacan reprend et part de ce qu’il a estimé être les points de butée freudiens pour nous proposer sa lecture qu’il nous faudra alors, le moment venu, revisiter. L’inconscient c’est le politique, pourra t-il dire !

Cependant cette question d’un social en transformation n’est pas nouvelle. Freud y était déjà sensible, je viens de l’évoquer. Et il pouvait même nous donner à entendre comment dans sa clinique, avec le petit Hans, et sa famille, les mutations débutantes d’un équilibre familial fondé jusqu’alors sur le patriarcat, pouvaient se payer d’un prix, celui de l’invention d’un symptôme, ici la phobie d’un jeune enfant, de son jeune analysant, Hans. Un papa aimant et attentionné, n’assumant pas tout-à-fait sa fonction, et conduisant ainsi son fils à prendre à son compte ce X laissé en déshérence dans la famille, par l’invention d’une phobie.

Cette thèmatique de la mise en question de l’autorité, celle dite du « père humilié » , occupe une place croissante dans la vie collective du XX ème siècle, avec ses conséquences dans le champ du politique. Et tout le parcours de J. Lacan, depuis les années 30, se fait sur ce fond, amenant ainsi celui-ci à faire l’effort de préciser ce que pourrait être le statut d’un père dans une famille, soit l’assomption d’une fonction, la fonction paternelle; mais pas seulement, en ordonnant, autour de la castration de chacun, les conditions d’un meilleur équilibre familial. Certes le terme de castration est un terme freudien qui emporte avec lui un certain nombre de connotations. Le travail de J. Lacan pourra amener à des formulations autres, et plus précises, en mettant au cœur de cette même vie de famille ce qu’il a appelé « le non rapport sexuel ». De ces difficultés nous ne sommes pas vraiment sortis. Elles forment toujours notre actualité. Mais aujourd’hui un peu autrement. À titre d’exemple, nous sommes passés du bord de la plainte nostalgique avec le « père humilié », à l’autre bord, celui de la dénonciation active du virilisme…

Cependant ce qui semble caractériser l’actualité de la transformation de ce social c’est sa rapidité et son accélération. Quelques-uns pourraient même la qualifier d’asymptotique. Et s’en inquiètent. Pas seulement dans le milieu analytique où les analystes savent depuis Freud que l’élément refoulé se paie toujours d’un prix, le prix du refoulement, soit le prix du symptôme. Et qu’à ne pas consentir à faire une place au semblant c’est le « sang rouge » qui nous menacerait… Inquiets tout autant, ces intellectuels, cultivés, humanistes, évoquant un tournant civilisationnel devant la remise en cause de repères qui, par leur prise en compte, depuis le fond des âges, semblaient avoir permis et ordonné le développement de ce qui s’appelle, jusqu’alors, une civilisation.

Nous en serions donc là, dans un tissu social en voie de désagrégation, de remaniement, voire de renouvellement, avec le projet explicite de participer de la création d’un homme nouveau…
Et alors ce qu’il nous faudrait pouvoir examiner c’est en quoi et comment ce renouvellement opère. Sur quelles méconnaissances, denis, voire forclusion celui-ci se construit, et de quelles conséquences insoupçonnées nous aurions alors, le moment venu, à en assumer, à nouveau, le prix ?

Ces mécanismes sont-ils semblables et animés de la même logique que les précédents ? Relèvent-t-ils d’une même lecture ?
Voilà, aujourd’hui, les premières questions qui pourraient être les nôtres?

Elles peuvent, en effet mettre en perspective nos futurs travaux. Et il nous faudra tenter de les déplier.

Cependant, s’engager dans un tel travail se fait d’une manière très concrète. Et ce concret ne peut être que le tissu même de nos discussions. Aussi, dernièrement, à l’occasion de nos derniers échanges, toujours assez vifs et francs, un terme est revenu, celui de « psychose sociale ». De quoi parle t-on lorsque ce mot nous vient à la bouche ? N’est ce pas toujours avec un peu de facilité, comme si cela suffisait au titre d’une explication.

C’est donc à partir de ce fil, celui de la « psychose sociale » que ce soir je vais, si vous le voulez bien, engager nos travaux et notre réflexion.

Ce terme de « psychose sociale », il me faut le souligner d’emblée, et ceci fera très certainement l’objet de nos discussions, ne m’apparaît pas adéquat. Là où il aurait pu introduire un peu de lisibilité, il semble déplier, avec facilité, un voile cotonneux qui nous introduit à un monde organisé autour de la plainte, et des regrets devant un monde en voie de désagrégation.

Nous avons, en ce point précis, à faire un effort de pensée, un effort d’écriture.

À ma connaissance le terme de « psychose sociale » vient sous la plume de J. Lacan dans le post-scriptum de son article intitulé « Du traitement possible de la psychose ». Là où, une nouvelle fois, il nous rappelle les conditions structurales susceptibles d’introduire un sujet à ce type de maelström, soit l’entrée dans la psychose, il peut pointer, dans le social, les éléments proprement délirants qui constituent celui-ci et le tissent , sans pour autant que cela ne vienne troubler outre mesure le parcours de chacun. En effet une bonne moitié de l’humanité croit au Père Noël, ou ses équivalents, et le discours de la liberté soutenu par le discours de la science s’avère dans son fond proprement délirant. J. Lacan a pu longuement s’en expliquer dans son séminaire sur « Les structures freudiennes des psychoses »,y consacrant une leçon entière.

Si l’entrée dans la psychose relève de coordonnées symboliques très précises c’est tout simplement parce qu’à l’occasion de cette rencontre il est fait appel, chez le sujet, à un élément qui s’avère en défaut et spécifiant sa prise dans l’ordre du signifiant, défaut l’introduisant, du même coup, à tous ces remaniements imaginaires sous la poussée de l’effraction xénopathique qui spécifie l’entrée dans la psychose. J. Lacan avait pu faire de ce défaut l’effet de ce qu’il avait appelé après Freud, une Verwerfung, soit la forclusion d’un élément signifiant essentiel à cette prise dans l’ordre du signifiant, le signifiant du Nom-du-Père. Peut-être n’est-il pas complètement vain de rappeler ces éléments, même brièvement. En effet c’est de cette première manière, que celui-ci va faire lecture de sa clinique de la psychose. Là où il est manifeste que le patient psychosé ne dispose pas du trope de la métaphore, J. Lacan y lit un défaut qui introduit celui-ci à un monde organisé autour d’une persécution xénopathique ,avec tous ses développements. Pour un tel patient, là où il se trouve sollicité dans son énonciation, la réponse qu’il ne peut assumer va lui venir dans ces modalités xénopathiques. C’est un autre, radicalement étranger, qui prend le commandement. Pas de division du sujet, mais au mieux un clivage comme l’évolution paraphrénique peut venir l’exemplifier.

Avec ces quelques premiers repères nous pourrions en effet suivre J. Lacan et faire quelques pas en soutenant que si il n’y a pas d’énonciation collective, et que si il n’y a d’énonciation que d’un sujet, le social se trouverait contraint et livré à des élaborations qui mettraient en jeu la même logique que celle qui règle la constitution d’un délire… D’où ce terme- devant cette absence d’énonciation collective- qui pourrait alors sembler tout à fait approprié, de « psychose sociale », …. sans lien de causalité avec la genèse éventuelle de cette forclusion lue comme étant au principe de cette effraction xénopathique. Le social ne pourrait,

alors, depuis toujours, malgré des différents ordonnancement, que se présenter dans les modalités d’un délire. Ce que nous dit J. Lacan dans cet écrit évoqué. Je propose que nous prenions le temps, un prochain soir, et dans le cadre de ce séminaire, d’examiner cette question, soit celle de la proximité structurale de la construction délirante et celle, par ailleurs, de la construction d’un mythe. Dire « proximité » n’est pas très juste, d’ailleurs, puisqu’il s’agit d’une même logique, celle du signifiant. Alors une voie d’abord, entre autre, se propose, celle de l’étude de la constitution du mythe, organisation sociale et symbolique, avec l’étude de la logique du délire. Il nous faudra ainsi faire le point sur l’apport, essentiel à ces questions, de Claude Levi-Strauss.

Or, depuis ces années 50, date où surgit pour la première fois ce signifiant de « psychose sociale » sous la plume de J. Lacan, ce social, je viens de le dire, s’est transformé, et poursuit sa transformation d’une manière accélérée. Il se trouve animé de discours dont les effets interrogent et déplacent les analyses et les premières conclusions dont nous venons de faire état.

Il y a déjà quelques temps quelques analystes, Charles Melman avec Jean-Pierre Lebrun, Marcel Czermak, avaient pu attirer très justement notre attention sur la transformation de la clinique analytique. Les demandes n’étaient plus les mêmes et le symptôme ne se présentait plus dans les mêmes coordonnées . Et ceci n’était pas sans interroger. Là où les repères freudiens, d’un certain freudisme fondé sur l’interprétation appuyée sur la mise en valeur du mythe œdipien, s’avéraient plus ou moins en impasse, une lecture lacanienne permettait de s’orienter en prenant appui sur des repères structuraux. Telle était, en acte, la puissance de ces quelques écritures lacaniennes nées, il y avait déjà quelques temps, des impasses déjà pointées par J. Lacan d’un certain freudisme. Le clinicien d’aujourd’hui, pourrait-on dire, devant le renouvellement des mythes qui tissent notre social, averti de la structure du mythe, de sa constitution, et de sa fonction, pourrait peut-être s’y trouver un peu moins égaré. Le fait nouveau, majeur, qui s’impose à l’orée de cette nouvelle clinique semble porter sur le fait que le refoulement qui, jusqu’alors, ordonnait et commandait notre vie sociale, soit non seulement questionné, mais en partie levé. Une autorité contestée, une asymétrie du lien social déniée, un égalitarisme forcené ignorant de ce qui fonde tout lien social, un savoir qui perd son articulation avec la dimension de la vérité, c’est-à-dire pensé comme se trouvant écrit depuis toujours,… tels pourraient être les premiers traits et caractéristiques de ce renouvellement, voire mutation. Un homme sans gravité, à pu dire Charles Melman.

Cependant y aurait-il là matière à forclusion de ce signifiant primordial susceptible d’ouvrir sur la psychose ? N’y aurait-il là que matière à transformer le symptôme, la demande, et à désorienter l’analyste freudien? Nous pourrions évoquer là la question des « border-line ». Où comment un diagnostic s’invente au lieu même d’une incapacité du clinicien de prendre des repères plus justes, et plus efficients, dans cette clinique de la psychose.

La question peut se poser. La question se pose.

Une réponse se propose cependant au clinicien que nous sommes.Si la clinique que nous rencontrons avec les propos de nos analysants s’éloigne des standards que nous avons pu rencontrer dans d’autres temps il n’est pas du tout avéré, cependant, et jusqu’alors, qu’il y ait là un pousse à la psychose particulier. Tout au plus pourrait-on dire que les tableaux cliniques qui se proposent sont comme en attente de s’animer devant la rencontre éventuelle de ce qui fonde tout lien social, à savoir un trou, dont ce nouveau « lien social » vient écrire le bord. Ce savoir semble être bien souvent là, inscrit, mais dans l’attente de sa mise en fonction. Comme dans un état de friche. Il y suffit bien souvent d’une parole adressée, où un transfert s’épanouit, pour qu’une dynamique s’engage venant témoigner d’une juste assise dans cet ordre signifiant. Ce qui se traduit, dans le lien de langage proposé par l’analyste, par une redistribution assez rapide des termes de l’enjeu, et par une issue favorable.

J. Lacan, je l’ai rappelé il y a un instant, ne semblait pas dire autre chose chose dans les années 50. Les délires du social et les conditions qui peuvent introduirent un sujet en particulier à cette forclusion ne sont pas sur un même plan. Celui-ci avait pu faire de la nature du lien symbolique ordonnant le lien entre une femme et son autre un des éléments essentiel à la dynamique familiale. Dans ses travaux ultérieurs, il a pu apporter un ensemble d’éléments, un ensemble de repères, qui permettent de pouvoir y faire notre chemin. Tout son propos tourne autour de cette question du « non rapport sexuel », dont il nous a dit, d’ailleurs, avoir été une de ses questions principales, question qui qui l’avait conduit sur le divan. Qu’est-ce qu’un lien amoureux, qu’est ce qu’un couple, en effet? Qu’est-ce qu’une famille? Le nouage de deux fantasmes où chacun, à sa manière, et de son côté, va faire l’épreuve du réel d’une butée ? À ceci près, peut-être, qu’avec cette rencontre du « non rapport » une invention est possible, pour ce couple, en le mettant au travail et pouvant, ainsi, en faire le moteur de son devenir. Dans ces conditions il est assez facile de penser qu’un enfant, plutôt que d’être seulement l’objet béni venant en lieu et place d’un objet manquant pour une mère, vient aussi, dans le même temps, se construire et se tisser au lieu même de ce trou du non-rapport dont un couple peut se soutenir et se réinventer. C’est-à-dire au lieu d’une différence vivante, au lieu d’une différence sexuelle susceptible de prendre corps…

Cependant ces mutations du social, dans leur destin(?) asymptotique insistent et portent sur des éléments de plus en plus structuraux. C’est là où ces quelques-uns, philosophes, anthropologues, simplement humanistes, sans être spécialement avertis de notre clinique, s’inquietent et tentent d’alerter le politique. En effet aujourd’hui, la différence des sexes est elle-même mise en question au nom d’un égalitarisme forcené où l’appartenance sexuelle se trouve rabattue sur la dimension du genre. L’appartenance sexuelle, au genre masculin, ou féminin, ne serait qu’une question d’éducation et de traitement social. Il suffirait donc de gommer, ou d’abraser la spécificité de l’un ou l’autre acquise par l’éducation, pour ouvrir sur un monde où chacun serait à égalité et l’appartenance sexuelle reléguée à la catégorie d’un trait quelconque . Une différence des sexes conçue comme hors symbolique et ne relevant que du simple effet du travail du genre, ouvrirait enfin l’éventualité d’un 9type de lien social rêvé : un lien enfin symétrique, susceptible de transitivité, c’est-à-dire totalement en miroir. Un monde orwellien en attente de son maître, pourrions ajouter.

Aujourd’hui ces discours traversent notre social avec leurs conséquences. Les politiques, pas tous, toujours en quête  » d’idées neuves » et de « progrès » donnent aux militants de ces nouvelles causes une audience et des échos législatifs qui peuvent légitimement questionner…

Dans ce contexte les technologies médicales, appuyées par la puissance du numérique, s’ouvrent un nouveau champ d’action, et de profits pour un monde toujours en quête de nouveaux territoires et de nouveaux eldorados où prospérer.

Encore une fois, si cela suffit à générer une nouvelle ère pour une « psychose sociale » , cela suffirait-il à générer de la psychose? Je n’en suis pas si sûr, surtout si nous considérons que c’est du « non-rapport », et de sa symbolisation, que le sujet trouve sa place et s’y constitue…

La question reste ouverte.

Dans ce contexte évolutif ce qu’il nous faudrait pouvoir soutenir, et proposer, demande véritablement à être questionné. Anthropologues, humanistes,..

avancent un « non » plus ou moins vif ou argumenté. Et ce d’autant plus que ces prises de position valent, de fait, comme des actes de résistances où, chacun, certes, n’engage pas sa vie, mais où il met en jeu sa survie sociale.Il faut être précis sur ce point. Combien un destin professionnel peut s’en trouver compromis, comment un harcèlement sur les réseaux sociaux, ou une simple impossibilité de soutenir son propos ne peuvent qu’évoque les heures les plus sombres de notre histoire, et tout ceci au nom d’un bien…

Du côté des trois religions du monothéisme les prises de position, avec les bonnes réponses apportées, sont fermes, et un repli sur un certain intégrisme étroit pointe.
Que faire ?

Si ce mot d’ordre était déjà celui de Lénine en 1917 il pourrait être le nôtre aujourd’hui !
Pouvoir déjà soutenir l’espace d’un questionnement est essentiel.
Une position militante, qui s’appuierait sur des réponses déjà construites, relèverait, dans son fond, d’un même exercice fondé sur le mythe, œdipien ou autre, soit fondamentalement une position religieuse,…ou délirante.

La position de l’analyste voudrait au contraire, plutôt que faire valoir et défendre un nouveau mythe (ou plus ancien, comme celui, freudien, de l’oedipe) donner à entendre cette logique du mythe, cette logique délirante, donner à entendre que ce qui, dans ce vœux d’égalitarisme, n’est pas pris en compte, fait inexorablement retour et se fait payer d’un certain prix. Ce qu’il nous faudrait pouvoir pointer est cette simple logique, dont chacun fait pourtant fait l’épreuve, non seulement dans sa vie personnelle, mais aussi dans la vie du collectif auquel il appartient en tant qu’être parlant.

Nous pourrions évoquer ce qu’a pu faire Lacan lui-même, confronté à l’efflorescence de 1968. Qu’ a t-il fait ? Est-il allé démagogiquement auprès des étudiants les soutenir dans leurs luttes ? Certains lui ont reproché cette abstention. Qu’at-il fait? Leur a-t-il fait la leçon? Il a poursuivi son travail, avec ses petites lettres, ses ronds de ficelle, et a fait une interprétation, lancée à la cantonade à Vincennes, « vous ne le savez pas, mais c’est un maître que vous cherchez ! » C’est ainsi qu’il s’est adressé à eux, avec une interprétation quasiment topologique. De cette révolution espérée, dont cette génération avait déjà sous les yeux les oripeaux de 1917, Lacan faisait un envers dans sa lecture topologique! Une interprétation source de transfert.

Pour conclure mon propos d’aujourd’hui ce projet, et ces perspectives, pourraient être celles de ce séminaire à plusieurs voix. J’ ai pu dire, tout à l’heure, combien il était indispensable, bien entendu, de réinterroger les travaux de Claude Lévi-Strauss . En quoi, et comment, une même logique anime le mythe du collectif, le refoulement et la constitution du fantasme, et la construction délirante? En quoi les lectures topologiques de Lacan peuvent-elles nous apporter quelques éclairages ?

Et puis, et surtout, en quoi et comment, une même séquence logique animerait et réglerait ces remaniements de notre social, ceux passés, comme ceux d’aujourd’hui?

Les années 70 avaient vu la mort d’un certain marxisme-leninisme dont il ne nous reste, aujourd’hui, que des dépouilles mafieuses. Et dans le même temps, plus ou moins discrètement, avec la vague structuraliste, se trouvaient posées les premières écritures d’une séquence logique qui emporte notre social d’aujourd’hui. Je veux évoquer là les enseignements de Michel Foucault, ou de Jacques Derrida, sur lesquels il nous faudra prendre le temps de nous arrêter. Le programme est vaste, à la mesure de ce mouvement profond, de ce « wokisme » qui infiltre avec une étonnante facilité les institutions qui paraissaient les plus solides et les moins prêtes à vaciller. Il fut un temps où la guerre devorait des générations entières, il en fut un autre,plus récent, où ces mêmes générations, sont venues nourrir l’appétit de ces mythes vivants que sont les idéologies (marxisme-léninisme, fascisme,.. )? Aujourd’hui à quels appétits faudrait-il satisfaire ?

C’est avec un peu de tranquillité, mais avec détermination, que nous abordons ces questions et ce questionnement.

Ce projet pourrait se résumer sous un titre, qui me vient en travaillant les lineaments de ce séminaire. Un peu comme Balzac qui avait décliné la longue série de ses écrits sous le titre de « La comédie humaine », un titre qui pourrait aller comme un gant à ce séminaire: « Pour une écologie du lien social ? « .