Une clinique de la temporalité ?

L’automatisme mental :

à propos d’un cas clinique et des apports théoriques de 

De Clérambault

Marie WESTPHALE

 

Je remercie le Collège de Psychiatrie de me donner la possibilité de vous faire cette intervention cet après-midi et je remercie particulièrement Michel Jeanvoine qui en a déterminé le sujet.

Les questions posées par la psychiatrie sont des questions posées à l’homme d’une manière générale.

L’automatisme mental (AM) pose les conditions nécessaires à notre subjectivité, c’est à dire que l’AM est un témoin du fonctionnement de chacun d’entre nous.

Il introduit à une longue controverse notamment sur la question de la relation pensée/ langage. Il nous renvoie à ce qui nous apparait comme un assemblage bizarre de perturbations de l’expérience vécue. Il laisse entrevoir qu’il y a là quelque chose qui pourrait concerner de manière plus générale le rapport de tout parlêtre à ce qu’il lui arrive de nommer « sa pensée » « nous ne savons pas très bien ce que nous appelons nos pensées » disait Charles Melman en 1991. L’explorer nécessite un retour aux symptômes, à l’écoute des patients, à des écrits descriptifs.

C’est ce que je vous propose de faire dans un premier temps à propos d’un patient vu en présentation clinique à Brest puis je reviendrai sur le travail et les apports de De Clérambault sur le sujet.

Alors quelques repères biographiques et anamnestiques sur le patient que j’appellerai « Robert » vu en entretien par le Dr Michel Jeanvoine lors d’une présentation clinique à Brest à la clinique de l’Iroise où je travaille. 

Robert, schizophrène, est accueilli à la clinique, il ne dort plus et à des idées noires, malgré les nombreux médicaments déjà prescrits mais, mal ou non pris. C’est un homme grand, costaud. Son crane est dégarni mais il porte une longue barbe non taillée, des vêtements usés mais propres. Il renvoie à une sensation de « paradoxe temporel » : ses habits fanés et sa longue barbe laissent penser que quelque chose est resté suspendu dans le temps.

Il s’engage dans l’armée à 18 ans pour 3 ans, période où il raconte avoir été victime d’insultes de la part de ses camarades, vécues comme des menaces. Puis il intègre une formation de BEP électromécanicien, d’où il est renvoyé sans qu’il en comprenne la raison. S’en suit une période d’errance où il « fait la route » selon ses propres termes, jusqu’à sa première hospitalisation en 81 en HO à la suite d’une décompensation délirante après une rencontre. Il a alors 26 ans. C’est le début d’un parcours, émaillé d’hospitalisations sous contraintes, de tentatives de suicide une par défenestration et une par phlébotomie et de nombreux voyages pathologiques.

Ce qui est intéressant dans ce cas et je vais vous citer quelques extraits, c’est que Robert présentait des hallucinations visuels, auditives mais aussi un automatisme mental où on remarque ce qui a été souligné par Mr Jeanvoine qu’il y a une dimension et tension rétroactive dans l’injonction xénopathique, une anticipation : comment savent-ils ce que je vais faire ?  On peut relever 2 exemples

Exemple 1 :

R : mon père m’a dit « il l’fera pas » …Je suis resté à l’regarder mais y f’ra pas quoi ? Et je lui ai pas posé la question hein ! j’ai rien dit et puis je suis parti dans ma vie…Après je reviens, et qq jours après y m’dit « attends », attends quoi ? je lui ai pas posé la question, mais attends quoi, il m’a pas dit. Comme si mon père devinait tout…

Exemple 2 :

R : A Concarneau, un copain d’école, j’arrive. « Ah ! salut Robert ! et puis d’un coup il s’retourne vers ses copains : « il va l’faire ! » Faire quoi ? Ba je…Je n’sais pas, moi….

Dr MJ : oui c’est énigmatique.

R : ouais, c’est énigmatique parce que c’est comme si les gens y savaient, y connaissaient la vie avant moi !

Dr MJ : oui.

R :et que moi, j’ai qq chose à faire avant de mourir.

Dr MJ : oui.

R : Voilà, Alors, moi, quoi faire ? Qu’est-ce que je dois faire, je sais pas.

Je poursuis. Il entend aussi des injonctions :

Exemple 1 :

« Toi, un jour tu vas te suicider » alors je lutte, je lutte pour ne pas me suicider, « on m’a dit que je s’rais jamais heureux, et qd on m’a dit ça j’étais heureux », « t’es un mec spécial », « Ah tu vas voir, la vie sera facile pour toi. », « Ah bon ? Bon. » et qq jours après il me dit : « non tu s’ras jamais heureux »

Exemple 2 :

« Une infirmière… elle nous dit comme ça « ça va recommencer ! » Mais, mais pourquoi elle a dit ça ? Et je lui ai pas posé la question : mais qu’est ce qui va recommencer ? Donc j’ai encore une question sans réponse dans ma tête.

Schreber a des phrases interrompues, là ce sont des injonctions ou des questions qui lui sont posées, où il est tenu d’apporter des réponses, qu’il est obligé de résoudre. Dans la réalité déjà assumée et connue, il y a la dimension et tension rétroactive dans l’injonction xénopathique, une anticipation « comment peuvent-ils savoir ? ». 

Je continue :

R : « C’est invivable, je ne sais même plus si c’est des pensées ou des voix, quoi. »

« Quand je me parle tout seul c’est comme si il y avait une personne en moi »

« Et puis, ça sort par ma bouche, comme ça : « tiens-toi bien » comme ça. Pop ! Mais ! Et ça, je, je ça vient de mon cerveau et pis ça sort tout seul, mais, mais euh…je le dis pas, mais je l’entends. »

Dr MJ : « Vous ne le dites pas ; mais vous l’entendez et ça sort par votre bouche ? »

R : Oui.

                                                  ………………..

De Clérambault a été le principal découvreur de l’automatisme mental (AM). Avant lui Pierre Janet écrivit en 1889 un traité consacré à « l’automatisme psychologique ».

Gaëtan Gatian de Clérambault est un psychiatre français né en 1872, et mort en 1934. Il décrit l’automatisme mental à partir de 1909, sans qu’on puisse en faire vraiment l’historique mais il fut porté à l’ordre du jour en 1927 au Congrès de Blois où ses publications furent réunies en un seul abrégé. C’est Jean Frétet qui publiera en 1942 l’ensemble de travaux de son maître sous le titre Œuvres psychiatriques.

Mr Garrabé a écrit un article tout à fait intéressant sur les psychoses à base d’AM publié dans le JFP qui décrit l’évolution des idées sur l’AM de 1927 à 2017. Il faut dire que le concept n’a laissé et ne laisse personne indifférent ou neutre et a suscité des positionnements divers dès son énoncé.

Mr Postel en 98 dans le Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique le définit comme une : « association de phénomènes psychopathologiques entrainant chez le patient le sentiment et la conviction délirante qu’il n’est plus maitre de sa volonté et qu’une force étrangère a agi sur lui et contrôle toute son activité psychique, dirigeant ses actes, sa pensée et ses perceptions ».

L’AM est une clinique du langage c’est à dire qu’elle vient pointer un rapport au langage. Il faut différentier ce qu’il en serait d’une clinique du comportement qui est très actuelle (déficit, dépression, excitation…) et ce que serait la spécificité du langage, c’est-à-dire le propos même du patient. 

A noter que le terme d’AM est absent de toutes les classifications internationales DSM mais aussi de la CIM 10, elle n’est plus reconnue comme entité spécifique malgré les apports décisifs qu’ont constitué la mise en forme stricte d’abord sous le nom de « syndrome de Clérambault » puis sous le nom de « syndrome S », d’un certains nombres de symptômes décrits par ses prédécesseurs dont Séglas, Baillarger. Il lui a été reproché de réduire sa signification à un inventaire et au mécanicisme. Elle est englobée dans les phénomènes productifs des psychoses, et on peut éventuellement la comparer aux troubles délirants persistants de la CIM10 et au trouble persistant du DSM4.

Pour avancer, je fais un petit retour sur la question des hallucinations comme elle se pose au début du XXe siècle, pour voir quels étaient les enjeux, du temps de De Clérambault, lorsqu’il a isolé ce syndrome. Tout le problème dans les hallucinations vient de cette définition que l’on trouve par exemple chez Esquirol, qui décrit l’hallucination comme une perception sans objet. Au fond, une perception fausse. Le problème de cette définition, c’est qu’elle suppose une sorte de transparence du sujet dans son rapport à la connaissance, un sujet qui serait dans une transparence de soi à soi. Donc posé dans ces termes de reconnaissance et de conscience. Après nombres d’observations et de débats, les psychiatres se sont rendus compte qu’un certain nombre de phénomènes qui, visiblement, étaient vécus de manière hallucinatoire pour un patient mais ils ne font pas appel à la sensation.

De Clérambault a donc tenté de discerner les signes qui pour lui peuvent rendre compte de l’origine du développement des psychoses.

De quoi s’agit-il ? Et comment le nommer correctement ?

Il le définit comme « les phénomènes classiques : pensée devancée, énonciation des actes, impulsions verbales, tendance aux phénomènes psychomoteurs (Séglas) », c’est uniquement des troubles du cours de la pensée et des hallucinations psychiques, qu’il oppose aux hallucinations auditives et psychomotrices caractérisées (Baillarger) et qu’il a nommé « Petit automatisme mental ». 

Il affirme sa teneur, je le cite :

-NEUTRE (au début) du point de vue affectif qui constitue un dédoublement de la pensée (donc ne s’associe pas forcément à une idée de persécution),

– NON THEMATIQUE du point de vue idéique donc « anidéique », leur caractère non sensoriel c’est-à-dire que la pensée qui devient étrangère le devient sous une forme ordinaire de la pensée, dans une forme indifférenciée et non pas dans une forme sensorielle définie 

Ultérieurement divers processus concourent à lui conférer plus ou moins d’hostilité.

– INITIAL dans le décours de la psychose. Et là ce qui était nouveau avec De Clérambault c’est qu’il défend que ces phénomènes soient le plus souvent (pas de façon constante) les tous premiers signes de la psychosealors que jusqu’alors ces phénomènes étaient jugés comme des complications contingentes et tardives. Il soutient que le petit automatisme est le point de départ de la psychose hallucinatoire chronique. Dans sa conception, les hallucinations proprement dites tant auditives que psychomotrices seraient tardives.

L’AM comme il le défini serait un processus autonome, parfois isolé, auquel peut s’adjoindre un délire et la sensation d’« être persécuté » jusqu’à plusieurs années après le début.  Il s’oppose là aux théories de Falret et de Legrand du Saule.

Je continue : De Clérambault associe cet automatisme mental à deux autres automatismes : l’automatisme sensitif et l’automatisme moteur et il parle alors de « Triple automatisme » : verbal, sensitif et moteur, pour lui il faut regarder l’automatisme mental dans sa triple dimension : idéo-verbale (ils entendent une pensée qui n’est pas la leur ou écho de la pensée), motrice (mes yeux regarde le pantalon d’une dame alors que je voudrais qu’ils regardent mon chemin) et affective (on m’impose une colère qui n’est pas la mienne, je ne peux que me mettre à l’abri pour hurler ma colère).

Dans ces 3 automatismes, le trait commun c’est que le sujet ne reconnait pas sa responsabilité dans ce qui l’anime.

Il évoque plus tard des processus rares et moins étudiés qui peuvent appartenir à l’AM. Je le cite :

-processus positifs subcontinus (: émancipation des abstraits, dévidage muet des souvenirs, idéorrhée).

-processus positifs épisodiques, accompagnés de sentiments intellectuels : (ressemblances, fausses reconnaissances, étrangeté des gens et des choses).

-processus négatifs divers (accompagnés de sentiments intellectuels) : (disparition de pensées, oublis, arrêts de la pensée, vides de la pensée, perplexité, sans objet, doutes, aprosexie, processus mixtes négatifs et positifs, substitution de pensée, oublis et apports, idéorrhée, passage d’une pensée invisible, automatisme affectif, émotif et volitionnel, automatisme visuel, jeux verbaux parcellaires).

Lacan dans son séminaire des psychoses dit que le phénomène psychotique est donc à la fois « l’émergence dans la réalité d’une signification énorme qui n’a l’air de rien et ce, pour autant qu’on ne peut la relier à rien, puisqu’elle n’est jamais rentrée dans le système de la symbolisation » et « la libération de la chaîne du signifiant ». Et ça nous mène dans cette ambiguïté : d’un côté un signifiant qui tourne obsessionnellement à vide, de l’autre une signification qui cherche tant à se dire qu’elle assaille, sourde et aveugle, le champ de la conscience.  L’AM c’est le moment où – on peut dire cela très simplement – souvent, dans le début d’une psychose, le sujet se raccroche au symbolique. Mr Ferreto l’explique très bien dans son article sur l’AM :  ce à quoi on assiste dans ces moments de décapitonnage est que la chaîne signifiante se met à fonctionner toute seule, n’est plus vectorisée et qu’on voit fonctionner, à l’état libre, d’un côté ce qui en est de l’énonciation et de l’autre ce qui fait retour au sujet de l’énoncé. Il n’y a plus, comme dans la chaîne signifiante normale, la rétroaction qui permet à la chaîne de tenir. Ce qui se met en place, c’est une espèce de tournage en rond, de bouclage en rond de la question de l’énoncé et de celle de l’énonciation. Il se boucle de manière circulaire sur un mode assez particulier qui est très typique de l’AM, qui doit toujours se manifester par une sorte de jonction-disjonction.  C’est ce qu’on trouve aussi dans le cas clinique de l’Homme aux paroles imposées et dans notre cas Robert. Il y a toujours un certain nombre de paroles qui sont envoyées au sujet sur un certain mode et il est toujours sommé de répondre : « Mon père m’a dit « il l’fera pas » …Je suis resté à l’regarder mais y f’ra pas quoi ? Et je lui ai pas posé la question hein ! j’ai rien dit et puis je suis parti dans ma vie…Après je reviens, et qq jours après y m’dit « attends », attends quoi ? je lui ai pas posé la question, mais attends quoi, il m’a pas dit. Comme si mon père devinait tout… »

 Et c’est assez important à comprendre, ça parait peut-être paradoxal, mais c’est juste sur ce mode là que le sujet arrive à se maintenir, dans le battement même de cette disjonction.

Dans l’écho de la pensée, le patient peut entendre ce qu’il reconnait comme sa propre pensée dictée, déclamée par une source autre, étrangère, xénopathique. Justement parlons de l’écho de la pensée.

L’ECHO DE LA PENSEE est pour de Clérambault le phénomène centralde l’automatisme mental. Il estime que c’est la conséquence d’un phénomène d’origine mécanique d’un phénomène de dérivation. Elle assure une sorte de transition entre le petit et le grand automatisme mental. Il a bcp utilisé la métaphore de l’électricité. Il la décrit comme « le résultat de la bifurcation d’un courant qui aboutirait à 2 expressions séparées d’une même idée. Cette métaphore pourrait être calquée sur la réalité ». L’écho de la pensée avait été décrit par Séglas en 1892. Il conduit au syndrome du grand automatisme mental qui englobe comme je l’ai dit précédemment pour De Clérambault, l’ensemble des hallucinations psychosensorielles de tout type.

L’écho anticipé de la pensée défi le bon sens, celui qui jusque-là pouvait penser légitimement être à la source naturelle de sa pensée l’entend articulée, alors que lui-même ne se l’était pas formulée. En d’autres termes énoncés dans le livre de Mr Faucher « à mesure que je parle, j’oublie que je m’entends en écho, cependant que j’anticipe sur ce que je vais dire et que j’effectue une rétroaction sur ce que j’ai formulé. Dans l’écho de la pensée il s’agit d’une pensée que le patient reconnait pour sienne ou dont il considère qu’elle aurait pu l’être, mais qui se présente articulée, formulée, par un autre que lui.

Il bouscule donc le « je pense donc je suis » « je suis la chose qui pense » de Descartes.

Mais je ne vais pas développer ici ni Descartes ni la pensée transcendantale de Kant. Juste, dire que la passivité qui est au cœur de ce qu’a décrit de Clérambault dans sa description de l’AM, il l’avait au début qualifié de syndrome de passivité. Elle est aussi repérée par Kant comme centrale chez tout sujet. Elle reste normalement voilée mais la décomposition spectrale qu’opère la psychose la met en évidence.

La dimension xénopathique est d’emblée indiquée par le patient, tandis que celle d’un retour de quelque chose qui lui était propre, habituellement méconnue par le paranoïaque, est clairement désigné par le terme même d’écho.

Je reviens sur notre cas Robert :

« Quand je me parle tout seul c’est comme si il y avait une personne en moi »

« Et puis, ça sort par ma bouche, comme ça : « tiens-toi bien » comme ça. Pop ! Mais ! Et ça, je, je ça vient de mon cerveau et pis ça sort tout seul, mais, mais euh…je le dis pas, mais je l’entends. »

Au moment où il perçoit la formulation d’une pensée qu’il pourrait tout à fait reconnaitre comme la sienne, ici formulée à la 2eme personne, qu’il se trouve le plus exposé à être expulsé de la place qu’il considère comme sienne et souhaiterai occuper. Il est chassé du lieu qu’il occupe.

On peut parler d’éclipse subjective. C’est une chose de méconnaitre un jugement alors que d’une certaine façon il s’est déjà opéré quelque part en nous mais on le méconnait mais c’est autre chose que de méconnaitre le lieu où se forme le jugement lui-même ce qui fait que l’affect qui en résulte sera vécu comme xénopathique, c’est l’instance elle-même d’où ce jugement procède qui est rejetée comme extérieure à moi.

L’AM caractérise un mode d’intuition intellectuelle (la nôtre est sensible), celui pour qui il n’y aurait pas la temporalité logique de l’après coup.
La spontanéité c’est l’exercice de notre entendement spontané dont nous prenons la mesure car nous sommes affectés par la pensée, c’est à dire que nous ne pouvons pas nous même nous reconnaitre comme un être spontané.

A noter la dimension d’anticipation, ce que De Clérambault appelle l’écho de la pensée naissante, c’est-à-dire l’énonciation des intentions « ils répètent mes pensées avant moi ».

Dans le cas de Robert : « Ouais, c’est énigmatique parce que c’est comme si les gens y savaient, y connaissaient la vie avant moi ! »

L’idée qu’il y aurait un original est ainsi supposée par le patient dans la tentative de ressaisir en lui-même ce qui serait, comme identité un lieu, non dénaturé de sa propre détermination. Ça le met dans la position de celui qui découvrirait inopinément la présence d’une doublure de lui-même sur une seule et unique scène. De Clérambault invite à considérer qu’il y a dédoublement de la pensée. Il souligne régulièrement combien le combat est ici perdu d’avance par le registre du sens, voué à être envahit par cette personnalité Autre.

 Le patient se retrouve en quelque sorte à incarner un personnage virtuel étrange, il est intéressé par une séquence verbale qui n’implique aucune adresse. Là, la doublure n’est pas un thème mais un fait de structure. C’est dû à la question de la disjonction des termes de la relation narcissique et donc c’est, à proprement parler, un effet de structure. Le moi et l’image spéculaire ont pris leur autonomie avec pour conséquence pour elle de se voir sans cesse déployée dans son dédoublement constitutif.

Lacan parle du moi idéal comme d’un jumeau et qui dans la psychose devient parlante. Freud avait aussi évoqué l’automatisme mental sous le nom de délire d’observation et a développé le concept de « Die Verneinung » qui fait appel aux notions de jugement d’attribution, attribuer quelque chose à qq un ensuite et donc seulement dans un 2eme temps, de reconnaitre à une représentation l’existence de la réalité.

Si l’Automatisme Mental est bien un syndrome structural dont notre langage peine à rendre compte de l’unité, le nouage borroméen pourrait permettre d’écrire ce qui échappe à cette nomination. La topologie borroméenne de Lacan pourrait constituer l’outil le plus adapté pour l’éclairer. J’en dis juste deux mots que j’ai trouvé dans le travail de Nicolas Dissez et qui me semblait intéressant :

-autonomisation du Symbolique à l’égard du Réel qui pourrait rendre compte du caractère anidéique du Petit Automatisme mental

-l’écho de la pensée lui pourrait être lié à un glissement, qui conduit à une disparition de la zone de la jouissance phallique, donne aux registres : du Réel et du Symbolique et, à une zone du sens et de la jouissance de l’Autre des places en miroir et équivalentes, séparées par une zone qui serait celle de l’objet a.

Pour conclure, si la clinique de l’AM nous interpelle tant c’est probablement parce qu’elle constitue autant la synthèse par De Clérambault des forces qui conduisent un sujet à se voir éjecté du langage que l’ensemble des tentatives de ce sujet pour retrouver une insertion dans ce langage. Souvent, on dit que l’AM, c’est une structure d’exposition ; cela est vrai, c’est une structure d’exposition pour le sujet lui-même au grand Autre, mais c’est aussi une structure d’exposition des éléments de la structure elle-même. 

C’est important de pouvoir la reconnaître, au minimum qd on s’occupe de patient psychotique.

 

Bibliographie

– Œuvres choisies. Gaëtan de Clérambault

– Automatisme mental. Histoire et clinique d’un concept controversé.JFPn°45 éres 2018

– L’automatisme mental . Kant avec De Clérambault. J.M. Faucher. JFP éres 2011

– Radio France Culture. Automatisme mental.

– Les Psychoses. J.Lacan

– L’automatisme mental. J-L Ferreto. JFP 2009 /4 n°35

 

 

 

 

 

 

 

 

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– Auteur : WESTPHALE Marie  
– Titre : L’automatisme mental: à propos d’un cas clinique  
– Date de publication : 06-03-2020
– Publication : Collège de psychiatrie
– Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=191