Une clinique de la temporalité ? 

Temporalité signifiante du sujet

ANQUETIL Nicole

 
Avec cet angle de vue qu’il s’agit d’un temps vécu par la conscience dans la structure du langage.
En réécoutant l’enregistrement de la soirée du 27 Novembre sur mon travail de lecture de Milan Kundera et de Pascal Bruckner j’ai été frappée par ce que cela a suscité comme commentaires et réflexions. En effet il est apparu alors que cette temporalité ne pouvant qu’être subjective, tout en étant liée à l’Histoire avec un grand H et à la petite histoire de l’être qui y participe soit en la subissant soit en y résistant, ne peut-être qu’un instant précis, indépendant du temps écoulé ou du temps à venir, mais un instant où tout bascule, comme le soulignait Michel Jeanvoine, du côté de l’inanité de pouvoir échapper à un destin organisé par les signifiants qui ont présidé à l’édifice d’un sujet dans un temps et un lieu. L’affaire de Milan Kundera est politique, nous avons été amenés à considérer que les lois de la vie politique et celles de la vie intime sont les mêmes, comme l’a éclairé aussi Michel Jeanvoine. Il nous faut alors revoir de plus près ce qu’en dit Feud dans sa Massenpsychologie. D’autres intervenants, notamment Martine Campion et Pascale Fourcade ont introduit un débat sur la castration particulière qui s’est imposée chez les personnages clés du roman de MK, castration qui n’est nullement cette nécessité de se soumettre aux lois dites de la cité, celle imposée dans le système signifiant qui est celui de l’être parlant pour arriver à l’assomption de son désir, et la castration qui vient au contraire couvrir d’une chappe de plomb ce qu’il en est du désir d’un sujet. Castration donc très éloignée de la conception freudienne, il s’agit de la castration du dictateur et de tous ceux qui subissent cette dictature, celle qui organisent la mort du sujet. François Benrais ainsi que Marie-Hélène Pont-Monfroy se sont également intéressés à cette castration. Cette castration qui est une mise sous le boisseau de sujets qui de ce fait en sont réduits à des comportements de morts-vivants, les induisait à se présenter en quelque sorte masqués par des comportements incompréhensibles pour les oppresseurs, avec des rondes et des rires manifestant un intime collectif incommunicable et dépourvu du moindre sens, non sans accointance avec ce que Lacan a décrit comme « le discours de la liberté ». Françoise Blanadet a eu cette formule très ramassée pour définir la situation : «  s’il y a un autre, il est renvoyé ailleurs ». D’autres que les personnes citées ont pris part à cette discussion jusqu’à former une sorte de brouhaha inaudibles sinon celui de la manifestation d’un très grand intérêt porté au débat.

Il était assez rigolo dans un récit du livre étudié de voir mentionné qu’un simple coup de pied aux fesses donné par l’étudiante Sara à deux étudiantes américaines organisant des rondes car elle ne comprenait rien à des devoirs demandés, a suffi pour réanimer une position subjective organisé par la castration comme assomption du désir. Façon somme toute timide et risquée de la part de Milan Kundera de faire valoir que le désespoir n’était pas la seule pente fatale dans l’enfer politique dans lequel vivait sa ville de Prague.
Cette temporalité de sujets soumise à l’Histoire avec une grande H, n’a rien à voir avec ce qu’il en serait avec notre contemporanéité, en effet son tempo serait plutôt celui de la grande affaire de la vie, à savoir l’amour. 
Autre temps, autre lieu, le contexte historique est radicalement autre, il ne s’agit plus d’une subjectivité revendicatrice d’une liberté d’expression d’une parole, d’actes, nous ne sommes pas en dictature. En ce qui concerne l’amour, la question est plus sociétale que politique, du moins dans nos pays occidentaux, quoique…

A cet égard, Luc Ferry a certaines idées, aussi bien en tant qu’ancien homme politique, il a été ministre de l’éducation nationale, qu’en tant que philosophe. S’il en a écrit un livre La révolution de l’amour dont la temporalité est à l’aune de l’amour, c’est bien dans l’intention de nous démontrer combien de façon fondamentale l’amour s’inscrit dans le temps du sujet. Et ce n’est pas pour rien qu’il cite Stendhal d’emblée :
 « L’Amour, la seule grande affaire de la vie ». Et ainsi il trace trois lignes de force : L’amour a remplacé peu à peu tous les autres principes pourvoyeurs de sens, toutes les autres sources de légitimation de nos idéaux les plus puissants. L’amour, l’amitié, la fraternité ; nouveaux socles de nos valeurs, cœur de nos préoccupations.

Un antique proverbe arabe « un homme qui n’a pas rencontré dans sa vie un motif de la perdre est un pauvre homme, car cela signifie qu’il n’a pas trouvé le sens de son existence ». 
La question du sens, dans la temporalité que nous vivons, se trouve liée à la question de l’amour et à celle de l’autre, de ce fait même.

Dans cet ouvrage sur ce qui organise notre temporalité assez récente, Luc Ferry se réfère souvent à Philippe Ariès et à Viviana Zélizer. Il introduit la notion de « spiritualité laïque ». On remarquera qu’elle est calquée quand même sur le modèle chrétien. C’est une façon différente de considérer le sacré ; non plus dans le sens religieux tel qu’il a été récupéré aux premiers temps du christianisme, mais dans le sens de son acception étymologique et philosophique comme « ce pourquoi on peut se sacrifier, risquer ou donner sa vie ». Les valeurs sacrées ne sont plus l’apanage des religieux mais bien celles des athées et des agnostiques avec refonte de ce qui peut être l’axe de la vie.

Ce qui retient notre attention est à la fois la question du sens et ce pourquoi on est prêt à sacrifier sa vie.
Contrairement au XIXème siècle, le déclin des idéologies et des nationalismes, du moins en occident, (il n’est pas interdit quand même d’espérer que les fanatismes qui se manifestent çà et là ne sont finalement que la contrepartie de l’aspiration à la tolérance de la plupart des peuples soumis aux lois des intégristes religieux )  réaffirment l’aspiration à la liberté de conscience et des choix dans la sphère privée. Si les idéologies sont quelque peu en berne, la sphère privée devient essentielle, c’est ainsi que nous arrivons à considérer que l’autre, notre semblable mérite amour et considération par un choix sociétale de façon individuelle, l’autre n’est plus exigé comme devant se fondre dans une masse.

On en vient à une exigence d’une vie privée dans l’idée que l’on peut avoir du bonheur et du respect venant de l’autre en s’efforçant à une réciprocité. Bien entendu si ce genre d’aspiration il y a, son application est loin d’être universelle, néanmoins ce qu’il y a d’intéressant est que l’individu se réclame désormais comme étant le seul juge de ses besoins et de ses désirs. Et pourtant… En tout cas cela peut être une aspiration.

L’épanouissement individuel demandé n’est cependant ni un chemin qui se fraye facilement, ni qui arrive à ses fins dans son propre concept dans ce sens même qu’il puisse aboutir exactement au contraire de ses buts initialement exprimés, par exemple son propre bien-être peut tourner au cauchemar quand la considération de l’autre l’en exclut, il peut choisir alors une option sacrificielle. De même, puisque c’est l’individu qui décide, il lui est possible de changer ses   propres aspirations s’il a la lucidité de conserver un certain sens critique sur lui-même. En tout cas il n’accepte plus qu’un autre lui impose ses choix. Cela se révèle surtout dans ce qui est devenu l’aspiration la plus précieuse, l’aspiration à l’amour devenue une exigence ; or, cela peut-il être une exigence. N’est-ce pas là plutôt la porte ouverte à tous les déboires ?

Ce qui est remarquablement intéressant est que cette aspiration à l’amour qui a fondamentalement bouleversé ce qu’il en était du mariage et de la place de l’enfant a bouleversé du même coup ce qu’il en était de l’organisation sociale et du politique.
Exactement l’inverse de ce que décrivait Milan Kundera dans Le livre du rire et de l’oubli. Le politique organisant les choix amoureux
Je ne vais pas m’étendre sur les alliances politiques ayant présidées à l’assise des royautés en Europe et ailleurs, ni à la femme comme objet d’échange avec Lacan lisant Lévi-Strauss. Je vais plutôt m’attacher à la lente évolution sociétale qui a abouti aux réflexions de Luc Ferry.

La grande révolution sociétale qui s’est concrétisée durant le 20ième siècle est l’introduction de l’amour comme fondement du mariage, remplaçant le mariage comme convention sociale et contrat social, une alliance entre familles par groupement d’intérêts, ce qui n’empêchait pas que l’amour puisse exister, mais il allait le plus souvent se manifester ailleurs, de façon tacitement admise pourvu que le socle du mariage n’en soit pas ébranlé. Le moyen âge avait instauré le charivari, dans tous les milieux sociaux quand la tromperie des époux risquait de troubler l’ordre établi du groupe social quelque soit sa taille. Inutile donc de dire que les plus grandes précautions étaient prises pour cacher une liaison ou bien alors dans ce cas précis. Si celle-ci se produisait elle était codifiée, et l’amant ou la maitresse était éloigné de façon à ne pas mettre en péril ce qu’il en était des alliances entre notables dans les régions et dans les pays. Ni amour, ni choix, écrit Jules Ferry, mais en revanche, poids de la communauté et souci majeur du lignage, de la biologie et de l’économie. Voilà donc en résumé, le mariage ancien, ajoute -t-il.

Comment donc s’est imposé le mariage d’amour ? C’est la question que se pose Luc Ferry.  Nous avons vu récemment que si le poids social de l’union disparait et que ce qui la fonde est simplement l’amour, la logique veut que rien ne puisse s’opposer au mariage pour tous, cela même si d’autres questions se posent et d’autres problématiques s’ouvrent. En particulier celle de l’enfant

On peut aussi se demander s’il y a aussi une castration dite sociale et comment elle opère alors que nous avons appris l’importance de la seule castration œdipienne dans l’opération structurale de la subjectivité avec le surgissement de la possibilité d’un Je s’opposant à un autre même si Je est un autre. Peut-on dire absolument que la castration sociale et politique n’existe pas? Nullement, mais elle ne relève pas de la dictature, elle existe, mais elle est tout aussi, dans un même mouvement, en quelque sorte dénoncée au bénéfice de ceux qui transgresse l’ordre établi, l’individualité n’a nullement effacé l’ordre établi, avec cette ambiguïté que dénoncer cet ordre est en quelque sorte le renforcer comme le faite qu’une exception grammaticale confirme une règle ! Un ordre établi dénoncé, hélas peut en créer un autre tout à fait despotique. On pourrait y consacrer des journées d’étude. Mais examinons un aspect de la modification sociétale.

Si la vie privée n’est plus contrainte par le regard de l’Autre pouvant lui imposer ses lois et dicter la conduite, toujours dans nos sociétés occidentales, vie privée dictée par les penchants amoureux et les sentiments, elle a pu étendre ses prétentions dans la valorisation des fruits de l’amour, dans la valorisation de l’enfant.
Pour des raisons diverses, l’enfant ne représentait nullement un attachement sentimental, loin de là. Il avait simplement l’importance liée à la transmission des biens et à la valeur économique de son travail. On s’y intéressait quand il était jugé avoir acquis une certaine maturité intellectuelle pour un travail précis
S’il venait dans un couple un nombre d’enfants dépassant les possibilités de son exploitation économique, le surplus était abandonné. Cela parait-il dans tous les milieux, du plus humble au plus élevé, les religieux les recueillaient au seuil des églises, les élevaient et les envoyaient ensuite dans des séminaires. Ce concept d’exploitation venu plus tard dans le vocabulaire marxiste, qui n’avait pas cours à ce moment n’en n’est pas moins le mot à employer.

Les abandons d’enfants avaient cours dans tous les milieux sociaux car les parents, quelque soit le milieu social, envoyaient leurs enfants en nourrice et souvent les y oublier purement et simplement, ils les récupéraient vers l’âge de 7 ans quand ils devenaient productifs. Beaucoup mourraient dans la plus grande indifférence sans que l’on demandât la moindre explication aux nourrices. Parfois les nouveaux nés dormaient entre leurs deux parents au risque d’être étouffés, ce qui arrivaient souvent. Manière plus ou moins consciente de s’en débarrasser.
C’était la mentalité ordinaire même si des attachements sentimentaux pouvaient aussi s’autoriser et s’imposer. Luc Ferry donne les vicissitudes de Montaigne, notre grand penseur, en exemple, qui selon Jean-Louis Flandrin, déclarait à un de ses amis avoir perdu « deux ou trois enfants en nourrice ». Il n’y avait pas que la grande mortalité infantile qui expliquerait le manque de l’attachement immédiat à un nourrisson, il y avait aussi la valeur qu’il pouvait représenter, les cadets et les filles ayant nettement moins de valeur dans la transmission des biens et des charges.

Le mariage, d’inclination, le mariage d’amour a complètement remanié le rapport à l’enfant. L’enfant, objet n’étant plus estimé à l’aune d’une capacité ou non de raisonnement, devint l’objet d’amour et de toutes les attentions car issu de l’amour.

Comment s’est imposé le mariage d’amour, la question de Jules Ferry ?
La mise en place du capitalisme et du salariat avec ce qu’il en a suivi pour les femmes. Les femmes qui travaillaient auparavant étaient, peut-on dire, considérées comme des outils, travail dur à la maison, aux champs, chez les particuliers. Pour la première fois les femmes ont accédé au travail rémunéré et du fait de l’exode vers les villes, ont pu disposer de leur argent loin de la pression sociale du clocher ; Luc Ferry parle de formidable émancipation par rapports aux poids des communautarismes. Il faut quand même ajouter que, entre parenthèses, jusqu’à il y a fort peu de temps, dans les années 60 du siècle dernier, les femmes mariées recevant un salaire devaient avoir l’autorisation de l’époux pour ouvrir un compte bancaire. Parler aussi des différences salariales serait aussi matière à nombre de discussions, mais ce n’est pas le propos du jour.
La femme est passée du travail contraint au travail rémunéré.

Temporalité subjective : changements radicaux sociétale avec le mariage d’amour et le travail des femmes rémunéré.

Cela ne veut pas vraiment dire que la femme échappe totalement à la contrainte du regard de l’autre, aussi bien féminin que masculin, il lui faut faire beaucoup plus d’efforts que ses soi-disant égaux masculins pour accéder aux mêmes postes hiérarchiques. Seules les professions libérales sont préservées de ce poids, quoique… de même l’usage persiste de demander aux parents un aval pour le mariage pour ne pas rompre les liens familiaux ou de compter sur les naissances pour abolir ce qui a été conflictuel, cela bien sur dans le meilleur des cas, sa famille on y tient. Et même sans le mariage qui ne s’impose plus comme obligation, les jeunes couples préfèrent toujours l’accord entre les familles aux relations conflictuels. Il arrive même et cela de plus en plus souvent que l’un des partenaires abandonnés reste dans contacts affectifs et cordiaux avec les parents et les proches de son ex.
Les mariages ou les liaisons d’amour et d’inclination ont engendré, pour les mêmes raisons qui les ont fait s’imposer, divorces ou ruptures. Les bases du mariage d’inclination sont les mêmes que celles qui les brisent ; l’amour n’y trouve plus sa satisfaction et le couple engendre sa propre souffrance. Le gain toutefois obtenu dans les nouvelles façons d’inscrire notre temporalité subjective dans le primat de l’amour, a été celui d’une moindre violence dans les conflits. Toutes les personnes engagées dans des relations précédemment impensables tant sur le plan sexuel que celui de l’amour, le plus souvent parfaitement liés, toute ces personnes de façon plus ou moins tacite tendent à dédramatiser. Bien évidemment cela n’exclut nullement que des passions peuvent se déchaîner surtout quand il y en a un de plus tacite que l’autre ! Néanmoins, divorces ou ruptures, dans l’ensemble se font plus paisiblement.

Auparavant, des nourrices étaient payées pour s’occuper des enfants jusqu’à l’âge de 7 ans, âge de raison, âge où l’enfant représentait un investissement économique, où il pouvait apporter quelque revenu, un âge où il pouvait être éduqué aux charges futures qui l’attendait s’il était l’ainé, soit placé dans un séminaire, son destin était tracé lorsqu’il n’avait pas été abandonné. On était loin du fameux « l’enfant est une personne » de Françoise Dolto.
Il en est tout autre donc actuellement où l’enfant est devenu « hors de prix » quant à ce qu’on considère comme ce qui lui est dû en matière d’éducation, de soin, d’investissements pour lui assurer le meilleur avenir qui soit. Enfant roi, rien n’est trop beau pour lui (Viviana Zélizer). Cet investissement de l’enfant serait beaucoup plus une conséquence heureuse du mariage d’amour que d’un progrès scientifique ayant pu remédier à la mortalité infantile qui était l’argument par lequel l’investissement affectif n’était pas indiqué du fait que cet enfant pouvait très vite disparaître. Mais on peut constater aussi que les progrès médicaux n’ont pas pour autant supprimé l’indifférence affichée à l’enfant par certains. D’aucuns, selon des théories dites de l’effondrement, revendiquent une exclusion de l’enfant dans tout type d’union. On voit quand même que des enfants, disons, rescapés de la science, s’ils sont privés d’amour sont toujours défavorisés.

La position de certains alarmistes sur l’avenir de notre planète, consistant à refuser de faire des enfants sont-ils vraiment sincères dans leurs arguments ?
L’adoption, au prix fort a pris place à l’abandon qui ne coûtait rien, ni pécuniairement ni moralement car aucune instance civile ou religieuse n’était habilitée à demander des comptes et apparemment cela ne venait à l’esprit de personne de s’envelopper dans ce rôle. On était loin d’un ministère sur les droits de l’enfant.
Les problèmes que l’on jugeait privés naguère sont les problèmes collectifs d’aujourd’hui. Michel Jeanvoine le disait un peu différemment lors de la soirée à Henri Ey sur Milan Kundera « les lois de la vie politique et de la vie privée sont les mêmes ».
L’importance de l’amour comme curseur des rapports individuels a entrainé une plus grande ouverture vers l’autre, une empathie, une diminution des jugements négatifs sur les écarts et les manquements. Mais en même temps une surveillance accrue de l’état sur les manquements éducatifs et sur la maltraitance.

De façon plus philosophique LF va parler d’un nouvel humanisme post-nietzschéen et post-métaphysique. Par-delà ce qu’on appelle le politiquement correct qui est une posture assez contestable, va se constituer un humanisme de l’amour, humanisme du sacré à visage humain. 
Il est amené ainsi à aborder ces chapitres chers aux philosophes que sont les questions de l’éthique et de la morale pour arriver à cet humanisme du cœur et de l’affectivité qui viendra en supplémentarité de l’humanisme du droit de de la raison.
Il va s’attacher à ce qu’il en est du juste et de l’injuste à travers les différents courants philosophiques de notre humanité.
Tout d’abord à la logique cosmologique, le cosmologico-éthique :
– La logique aristocratique basée sur l’excellence quel que soit le terrain, la nature ou l’homme, le juste c’est le meilleur, il n’a pas besoin de le prouver, il l’est de naissance. Socrate en aura été le meilleur représentant. Mais on remarque alors que Juste équivaut à Justesse. Celui qui de façon naturelle n’est pas le meilleur est ainsi esclave par nature et il doit travailler, son aptitude est d’ être  la chose d’un autre.
La logique de l’être et du devoir, dans la conception du juste, devait être sous -jacente au fait que la nature doit être magnifiée, instauration d’une logique des dons naturels. Donc, l’aristocrate, doué par définition, ne travaille pas. L’ordre dit « naturel » est profondément inégalitaire. Si nous sommes égaux en droits, nous sommes loin d’être tous pareils et égaux, nous ne sommes pas des fourmis indifférenciées.

Par contre, ensuite, le théologico-éthique, la morale judéo-chrétienne, viendra en rupture de ces considérations, elle veillera à l’égalité due au mérite aussi bien qu’à la valeur de la personne elle-même quelques soient certaines inégalités naturelles comme par exemple, l’intelligence, la beauté, la grâce. La valeur « travail » remplace celle du don naturel.

L’éthique républicaine, s’imposant en sus, en est venue à la notion de laïcité. La morale se fonde alors d’abord sur l’homme lui-même. S’inspirant de Pic de La Mirandole, l’homme étant devenu libre d’inventerson futur, Luc Ferry souligne qu’il peut dès lors choisir toutes les identités et toutes les destinées.
L’implication immédiate ; universalisme républicain, antiracisme, antisexisme, droits de l’homme et paradoxalement, colonialisme et tout aussi bien décolonialisme, ajouterons-nous. Et alors, cerise sur le gâteau, la femme devient un homme comme un autre avec Simone de Beauvoir.
Je vais m’arrêter là car cela m’entrainerait vers un autre débat que celui qui nous rassemble aujourd’hui. Par contre je me tourne vers Freud pour le regard fluctuant des sociétés sur l’enfant. Je suis allée faire une énième lecture de la Massenpsychologie.

Psychologie de masse, ou psychologie des foules ? dans les nouvelles traductions de 1981. Dans l’introduction de cette nouvelle traduction, il est question de l’opposition entre psychologie individuelle et la psychologie sociale ou psychologie des foules. Cela introduit la question sociale éminemment susceptible d’être différenciée par les différences des sociétés elles-mêmes et des évolutions de celles-ci. C’est un peu ce que fait Luc Ferry dans son regard sur l’évolution de la place de l’enfant dans certains environnements sociaux, il ne s’agira pas pour nous de nous placer au niveau des codes de la morale mais de ceux du comportement.

Cela pourrait éclairer le fait que des foules se soient déplacées pour l’enfant pour tous ou l’enfant issu de l’amour d’un couple, en rappelant quand même que dans la démarche on oublie qu’un couple est constitué d’un mâle et d’un femelle en vue de la fécondation. Nonobstant, dans le mariage pour tous  concernant n’importe quelle type d’union ou de compagnonnage, on en revient en quelque sorte à une conséquence du mariage d’amour et de l’inclination  qui veut que la fécondation au sein d’une union quelle qu’elle soit devienne tout à fait secondaire, ce n’est plus Dieu y pourvoira, mais la science y pourvoira. PMA et GPA pour tous. Le prix de l’enfant peut alors être exorbitant.

C’est ensemble, dans la foule qu’une opinion, qu’un droit se renforce. C’est le principe même de l’organisation de manifestations. « Si on est nombreux, on aura raison. » On peut appeler cela avec Freud, la contagion de l’affect. On peut aussi dire de façon chrétienne, l’amour justifie tout et a raison de tout. Confère Paul dans l’épître aux corinthiens. La foule est alors du ressort de pulsions libidinales, elle est libidinale de structure. N’en sont pas pour autant exclus les renversements en haine. Méfions-nous donc des foules !

Quant à l’identification qui s’ensuit dans une foule organisée libidinalement, il est tout à fait à remarquer que les couples homosexuels, « couples » entre guillemets s’identifient à des couples, sans guillemets, hétérosexuels par définition. Tant pis pour Œdipe !

Voilà comment, pourrait-on penser, le mariage d’amour, venant se substituer au mariage dit de raison, basé sur des alliances et ses lignages au sein de groupes quelque soit leur taille, en est venu au mariage d’amour dissociant celui-ci des liens de l’union mâle-femelle, couple par définition, dont l’enfant revendiqué est un objet de production. Capitalisme à l’usage humain !

La question éthique alors fondamentale : Que deviennent les droits de l’enfant ?
Quelle sera la temporalité subjective de l’enfant devenu adulte ?
 
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– Auteur : ANQUETIL Nicole  
– Titre : Temporalité signifiante du sujet  
– Date de publication : 06-03-2020
– Publication : Collège de psychiatrie
– Adresse originale (URL) : http://www.collegepsychiatrie.com/index.php?sp=comm&comm_id=192